L'essayiste et historien des idées français est décédé dans la nuit du 6 au 7 février 2017.

 

Tzvetan Todorov est décédé mardi 7 février à l’âge de 77 ans. Il venait de finir son dernier livre, Le Triomphe de l’artiste, qui doit paraître en mars, a indiqué sa fille. Essayiste, historien des idées et théoricien de la littérature, cet esprit brillant a travaillé pendant une trentaine d’années sur la pensée humaniste et le totalitarisme. «Je ne me considère pas comme un tribun mais j’essaye d’ouvrir un dialogue avec mes lecteurs, tout comme je le fais avec les auteurs du passé. J’aimerais les inciter à prolonger mon travail», nous confiait-il lors de notre rencontre1 en 2008. Il se définissait comme un passeur, qui jette des ponts entre les cultures – «Une vie de passeur» est d’ailleurs le sous-titre de son autobiographie sous forme d’entretiens avec Catherine Portevin, Devoirs et délices.

Né en 1939 à Sofia, en Bulgarie, Tzvetan Todorov arrive en France à l’âge de 24 ans après des études de philologie. Il a été, avec Roland Barthes, l’un des représentants du structuralisme, et a fondé en 1970 la revue Poétique avec Gérard Genette. A Genève, il avait enseigné la littérature française à l’université, à la fin des années 1970. Il y avait reçu le Prix Rousseau pour sa contribution à la pensée européenne.

 

Penseur lucide du monde contemporain 

Universaliste, moraliste, il écrira plusieurs ouvrages sur le sens de l’opposition entre totalitarisme et démocratie. Il faut lire à ce propos Mémoire du mal, tentation du bien (2000). En France, son statut d’étranger le confronte aux questions de la compréhension de l’Autre, de la diversité des cultures et des perceptions humaines et de leurs conséquences sur l’histoire des relations internationales. Après s’être concentré sur les premiers pas de la conquête du Mexique par les Européens (La Conquêtede l’Amérique, 1982), il s’attache à l’histoire du Vieux Continent. Dans La Peur des barbares (2008), il analysait le regard que le monde occidental porte sur l’autre. Une relation dictée par la peur, où la crainte du «barbare» («celui qui ne reconnaît pas la pleine humanité de l’autre») conduit à des comportements plus barbares encore – une situation qui est allée en empirant.

Todorov est l’un des fondateurs, en 1983, du Centre de recherches sur les arts et le langage. Directeur de recherches honoraire au CNRS, professeur invité dans plusieurs grandes universités américaines, il a été marié avec la romancière Nancy Huston jusqu’en 2014. Il a reçu plusieurs prix importants, dont le prix de la critique de l’Académie française en 2011 pour l’ensemble de ses travaux.

 

1.http://www.lecourrier.ch/tzvetan_todorov_hautes_traversees

http://www.lecourrier.ch/146651/tzvetan_todorov_n_est_plus