FORMATION - Samedi, le futur Institut littéraire suisse présentera le bilan de ses deux jours d'ateliers pilote en écriture et traduction littéraires. Quelques réactions en guise d'amuse-bouche.

 

"L'expérience a confirmé que nous allions dans la bonne direction», se félicite Marie Caffari, cheffe de projet de l'Institut littéraire suisse avec Daniel Rothenbühler. Les 10 et 24 septembre dernier, 35 participants se sont frottés à l'écriture et à la traduction littéraires, dans des ateliers pilote animés par les écrivains Jean-Luc Benoziglio, Antoine Jaccoud, Beat Sterchi et Verena Stössinger, et les traductrices Claire de Oliveira et Yla von Dach. Entre ces deux jours, les étudiants ont travaillé individuellement et bénéficié d'un suivi par e-mail de la part des animateurs. But de la démarche: évaluer le potentiel des cours que le futur Institut dispensera dès l'automne 2006, dans le cadre d'une filière bachelor intégrée à la Haute école des arts de Berne.

Mission accomplie, donc. Le bilan sera présenté au public lors d'une soirée festive, samedi à Bienne1, en présence des intervenants et des participants. Lectures de textes, présentation de la future filière, exposé de Michael Lentz, enseignant à l'Institut littéraire allemand de Leipzig, tels seront les points forts de la soirée – bilingue, comme la future formation.

 

Autres regards

Les remarques recueillies auprès des animateurs et des participants ont permis aux deux chefs de projet de valider leurs options pédagogiques, selon Marie Caffari, qui lève un coin du voile avant samedi. D'après les questionnaires rendus par tous les participants («un bon signe!»), ceux-ci ont particulièrement apprécié «le mélange entre pratique, commentaires et théorie littéraire», ainsi que le bilinguisme des ateliers et le dialogue sur les textes. Lucy Dubochet, étudiante en Lettres à Genève, a participé à l'atelier de traduction et juge en effet qu'«un des aspects les plus positifs a été le groupe, les échanges. J'ai beaucoup appris des autres.» Même écho chez Ludivine Triponez, qui étudie les Lettres à Lausanne et s'était inscrite à l'atelier d'écriture. «Pouvoir montrer ce qu'on a écrit et le confronter à d'autres regards est quelque chose d'assez fou. Au début, j'avais peur; puis j'ai reçu des avis inattendus qui m'ont fait évoluer.»

«Les participants nous ont dit avoir acquis une conscience plus précise de leur pratique, raconte Marie Caffari. Ce qui va aussi dans notre sens: nous aimerions qu'ils apprennent à se positionner par rapport à la littérature contemporaine. Au terme de la formation, ils auront la capacité de mener à bien un projet d'écriture, de ses débuts à sa mise en valeur (diffusion, publication ou lectures).» Car si le coeur de la formation est la production de textes, sont également prévus des modules sur le monde de l'édition, le marché du livre, la critique littéraire, l'écriture radio, ou encore des projets collectifs et transdisciplinaires.

 

Inciter et stimuler

Reste à convaincre ceux qui pensent qu'être écrivain ne s'apprend pas. Si les pays anglo-saxons et l'Allemagne ont une longue expérience de l'enseignement de l'écriture, la France et la Suisse romande sont plus sceptiques. Ludivine Triponez, «surprise en bien par ces cours pilote» et enthousiaste à l'idée d'une formation à l'écriture, doute pourtant qu'une telle formation soit possible. «Pourquoi une HES plutôt qu'un stage de six mois? C'est peut-être plus reconnu, mais je ne suis pas sûre qu'une structure officielle soit la meilleure solution. J'ai suivi une école de théâtre: on arrive avec plein d'idées, mais c'est une autre paire de manche que d'arriver à créer son expression artistique personnelle.»

Peu convaincu que l'écriture puisse s'enseigner, Jean-Luc Benoziglio s'est lancé dans l'aventure par curiosité, et juge l'expérience intéressante. «Je me suis retrouvé face à une douzaine de participants, et à un problème: comment les corriger sans les décourager? Nous avons discuté de leurs textes, très divers, je leur ai parlé des auteurs qui me sont proches, Perec, Queneau... Un autre écrivain aurait dit autre chose. Une formation vaut ce que vaut le formateur.» D'où la nécessité de varier les intervenants et les approches, selon Marie Caffari.

Dramaturge et scénariste, Antoine Jaccoud a une grande expérience pédagogique de l'écriture puisqu'il a enseigné le scénario à l'Ecole d'art de Lausanne pendant sept ans, avant d'animer des ateliers aux quatre coins du monde. Il se dit «acquis depuis longtemps à l'idée d'une formation. Du point de vue technique, cela signifie donner un cadre et un retour; du point de vue pédagogique, il s'agit de stimuler la créativité.» Et de se révolter contre «ce vieux mythe latin francophone qui dit qu'écrire ne s'apprend pas, que c'est un don... Cette idée est un scandale, c'est très élitiste. Je crois beaucoup à la transmission et au cadre.»

 

 Sa 22 octobre à 18h, aula de la Haute école technique et informatique HTI, rue de la Source 21, Bienne.

Rens. www.hkb.bfh.ch.

Dès janvier 2006, les postes d’enseignants seront mis au concours et les inscriptions pour les étudiants ouvertes.

http://www.lecourrier.ch/les_ecrivains_en_herbe_ont_rendez_vous_a_bienne