TÉLÉVISION - Dès l'automne 2008, un talk-show culturel hebdomadaire remplacera «Illico» et «Singulier». Explications.

 

La Télévision suisse romande (TSR) a annoncé cette semaine la suppression du magazine Illico à fin juin 2008. Animée par Massimo Isotta, l'émission qui aborde «des thèmes de société par le prisme de la culture» avait démarré en janvier 2006. Avant elle, La Tête ailleurs n'avait pas survécu au départ de son présentateur Massimo Lorenzi, et cessait définitivement en mai 2005, après moins d'une année d'existence. Dimanche dernier, la chaîne publique diffusait le dernier numéro de Singulier, l'émission d'entretiens avec des personnalités culturelles lancée par Florence Heiniger et Raphaëlle Aellig en mars 2006.
Enfin, le dernier Sang d'encre, rendez-vous littéraire hebdomadaire produit et animé par Florence Heiniger, a eu lieu au Salon du livre de Genève en mai dernier. Exit, dans la foulée, le Prix TSR du roman – mais pas le Prix TSR littérature ado, repris par la section Jeunesse de la TSR.

En phase avec l'actu

«Les moyens alloués à la culture ne sont pas réduits, mais distribués différemment», précise Nicole Weyer, qui dirige l'unité Société et Culture de la chaîne. Dès septembre 2008, une nouvelle émission culturelle prendra la place de Sang d'encre, Illico et Singulier. S'il est un peu tôt pour en préciser les contours, on sait déjà qu'il s'agira d'un talk-show hebdomadaire d'environ 50 minutes, présenté par Michel Zendali (qui quittera Infrarouge fin juin) et complété par des reportages. «Nous voulons donner à l'émission un ton personnel et très libre, parfois critique, pour montrer que la culture est vivante», explique Gilles Pache, directeur des programmes information et magazines de la TSR. Il s'agit de traiter de sujets culture et société, d'aborder toutes les formes artistiques et de susciter des échanges entre des personnes d'horizons très différents.

Ce changement de formule est-il un désaveu à l'égard de Singulier et d'Illico? «Singulier était basée sur un concept particulier qui ne permettait pas de le tirer sur une longue durée, explique Gilles Pache. L'idée était d'emblée de se limiter dans le temps, de réaliser une série d'entretiens haut de gamme (60 en deux ans, ndlr) pour constituer une sorte de collection.»

Quant à Illico, sa diffusion bimensuelle n'a pas facilité la fidélisation du public. Basée sur le reportage, l'émission exige du temps et des moyens, selon Nicole Weyer: «Difficile de la réaliser à un rythme hebdomadaire.» La question s'est tout de même posée. «Mais la direction voulait une émission plus immédiate, réactive, davantage en phase avec l'actualité», note sa productrice Laurence Mermoud. Elle désirait aussi une formule itinérante qui puisse s'installer dans divers lieux (théâtres, cafés...).

Enfin, la chaîne publique a pour politique de renouveler régulièrement ses programmes. «La direction nous a présenté cette décision en arguant que le monde audiovisuel est varié et mouvant, que les émissions se font et se défont, qu'il est nécessaire de rester créatif et de se transformer», raconte Massimo Isotta, présentateur d'Illico.

L'audience en question

En 2007, Singulier a réuni en moyenne 6000 spectateurs sur TSR2 (1,9% de parts de marché), et Illico 20 000 sur TSR1 (7,1% de parts de marché). Selon ses directeurs, ce n'est pas la course à l'audience qui motive la réflexion de la chaîne en matière de culture. «Les programmes de prime time doivent impérativement faire de l'audience», relève Gilles Pache. «Nous sommes financés aux deux tiers par la redevance, et devons aussi proposer aux téléspectateurs des programmes qui leur conviennent. Diffuser un magazine culturel en deuxième partie de soirée évite de mettre la production sous la pression des résultats.» La TSR remarque par ailleurs que le public intéressé par la culture, peu nombreux, est davantage disponible en deuxième partie de soirée. Selon Massimo Isotta, ce n'est effectivement pas la question de l'audience – difficile à définir, puisque l'émission est aussi regardée en rediffusion ou sur Internet – qui a été mise en avant par la direction pour remplacer Illico. «Mais il est évident que si elle avait cartonné, on n'en serait pas là.»

Pour le présentateur, le problème est surtout une «question de grille horaire». Heureux de l'expérience, il se dit néanmoins frustré: «L'émission est appréciée, mais à cause de l'étiquette «culture» nous n'avons pas le droit d'être placés dans une case visible. On observe cette tendance partout. Or être cachés ne contribue pas à nous faire connaître.»