LIVRES Critiqué, boycotté, le Salon du livre de Paris est en crise. Il a été inauguré jeudi soir sur fond de tensions et de rivalités entre grands éditeurs français, confrontés à l'essor du numérique.

 

Le Salon du livre de Paris fête son 30e anniversaire et déroge à la règle: pas de pays hôte cette année, mais une sélection de 90 écrivains français et étrangers invités à rencontrer leurs lecteurs. Autre particularité de ce jubilé: c'est dans une atmosphère de cafouillage révélatrice des rivalités qui agitent l'édition française qu'a été inauguré jeudi soir le Salon parisien. Alors que plusieurs éditeurs ont décidé de ne pas y participer, les tensions au sein du Syndicat national de l'édition (SNE) ont atteint un point culminant cette semaine. Lundi, Hachette Livre – numéro un de l'édition française et numéro deux mondial – quittait temporairement le syndicat pour protester contre l'annonce de l'élection du PDG d'Editis, numéro deux français, à sa présidence (lire page suivante).

Impossible de connaître les vraies raisons du conflit entre Hachette, Editis et le SNE, mais on imagine que les enjeux économiques liés à l'arrivée du numérique pèsent lourd. Ces tensions surgissent en effet dans le contexte d'un marché globalement affaibli, où règne l'incertitude: face à la révolution numérique annoncée, qui risque de s'accélérer avec l'arrivée de l'iPad d'Apple fin avril, les éditeurs français ne sont pas parvenus à faire front commun. Leurs atermoiements ont-ils joué un rôle dans la crise que traverse le SNE, qui regroupe 530 maisons représentant la majeure partie du chiffre d'affaires du secteur? Le syndicat n'est en tous cas pas parvenu à fédérer la profession autour de ces enjeux (lire en page suivante également). Quant au mouvement d'humeur d'Hachette Livre, il n'est que le dernier épisode de son bras de fer avec le SNE, par ailleurs organisateur du Salon du livre de Paris en collaboration avec Reed Expositions – qui fait partie du groupe Reed Elsevier, également l'un des plus gros éditeurs de l'Hexagone...

 

Le boycott d'Hachette

En automne dernier, Hachette annonçait ainsi réduire sa participation au Salon: au lieu des 900 m2 habituels, le groupe ne louera plus qu'un stand «corporate» de 100 m2. Ses maisons – dont Grasset, Stock, Fayard, Lattès, Nathan, Larousse – sont donc absentes cette année, et Hachette économise au passage 600 000 euros, qui n'iront pas dans l'escarcelle du SNE. Mais on peine à croire que ce sont des raisons financières qui poussent Hachette Livre à se désinvestir du Salon: 2009 a été une excellente année pour le groupe, qui a réalisé un chiffre d'affaires de plus de deux milliards d'euros.

Alors pourquoi ce retrait? «Je ne m'exprimerai pas sur le Salon tant qu'il sera ouvert», nous fait savoir Ronald Blunden, directeur de la communication d'Hachette Livre. Mais à l'automne, son service expliquait à Rue 89: «Cela fait quatre ans qu'Hachette Livre a fait connaître au SNE son envie de faire évoluer le Salon. La manifestation a oublié d'évoluer. Les éditeurs rechignent à s'y rendre. C'est devenu un géant qui n'attire que des chasseurs d'autographes.»

Dans le sillage d'Hachette, plusieurs grands éditeurs se sont désengagés du Salon. Ainsi Bayard a invoqué des problèmes de date afin de justifier son absence en 2010: le Salon international du livre de jeunesse de Bologne se tient en même temps, celui des Seniors la semaine suivante. Quant aux Editions La Martinière (Seuil, Olivier, Points...), elles ont réduit la voilure de 30%. Raisons évoquées par son PDG: une «usure du Salon» et des recettes «loin de couvrir l'investissement». Tandis que Gallimard ou Actes Sud défendent une manifestation «essentielle», plusieurs éditeurs réclament des changements: le Salon serait trop cher, peu rentable, fourre-tout et peu littéraire, en perte d'identité... L'essence même de l'évènement est remise en cause. Les salons de province, plus spécialisés, offriraient un meilleur cadre à la littérature que cette immense foire – le festival de la BD d'Angoulême, Etonnants Voyageurs à Saint-Malo, les Assises du roman à Lyon ou encore le Salon du livre jeunesse de Montreuil. Au niveau international, le Salon de Paris peine à concurrencer Francfort ou Londres. En réponse, Reed Expositions a planché sur plusieurs pistes: des salons thématiques à décliner, un salon itinérant en régions, une édition biennale, deux salons différents, l'un grand public et l'autre plus pointu, un retour au Grand Palais...

 

Reproches récurrents 

De fait, ces reproches sont récurrents depuis une dizaine d'années, quand le Salon du livre de Paris a quitté le Grand Palais, trop petit et vétuste, pour la Porte de Versailles, relativise Henri Causse, directeur commercial chez Minuit, présent au Salon avec un stand de 10 m2. «Trop grand public? Le public est-il si stupide? Pas rentable? Il est absurde de vouloir vendre des livres afin de rembourser son stand: c'est un investissement qui doit être pris dans un budget promotionnel.»

Pour M. Causse, «il y avait une marge entre 900 et 100 m2... le coup de poing de Hachette dépasse le Salon; en arrière-plan, l'édition est traversée par d'autres débats.» Le livre constitue environ 40% du chiffre d'affaires du groupe, qui a une vision et des visées mondiales. Le Salon n'est sans doute «pas utile pour Hachette, qui a un poids économique suffisant, peut-être est-il aussi inutile pour Minuit fort de son pouvoir symbolique», continue Henri Causse. «Mais on participe d'une communauté, et le Salon de Paris est essentiel pour les éditeurs plus modestes ou récents, qui ont besoin de visibilité, ainsi que pour les libraires qui viennent les découvrir. Alors oui, on perd peut-être de l'argent, c'est fatigant, etc., mais on fait partie d'un tout. Une partie des bénéfices du Salon va au SNE: sans salon, les cotisations des membres augmenteraient sans doute.» Et de déplorer la disparition de la solidarité entre éditeurs.

Les Editions Métailié, propriété à 80% de La Martinière, auront cette année un stand de 16 m2 à côté de Minuit. «Nous venons chaque année, précise son attachée de presse Valérie Guiter. On n'en attend ni publicité ni reconnaissance particulière, mais il est important d'y participer en tant qu'éditeur: nous y avons des rendez-vous et une relation directe avec nos lecteurs.» Elle perçoit les critiques d'Hachette avant tout comme l'expression d'un rapport de forces politique et d'un «désaccord avec le SNE, plutôt qu'avec le Salon du livre». «Mais je ne veux pas trop m'intéresser à l'usine éditoriale car j'ai la chance de travailler dans une maison encore artisanale. Métailié n'est pas un grand groupe et nous restons fragiles. Je préfère me concentrer sur nos auteurs, d'autant qu'il est de plus en plus dur de rendre visible les écrivains latino-américains dans une France repliée sur elle-même et sur les auteurs anglo-saxons.»

 

«Bataille des mastodontes"

A l'instar de la majorité des éditeurs français, Métailié ne se sent pas vraiment concerné par cette «bataille des mastodontes pour le pouvoir», ainsi que le formule Gérard Berréby, directeur d'Allia, qui publie comme Métailié 35 livres par an. Depuis deux ans, Allia ne vient plus au Salon, tout comme d'autres maisons de sa taille – l'Archipel, les Arènes ou Bartillat. «C'était un investissement énorme en termes d'argent, de temps, d'organisation», relève Danielle Orhan, assistante de M. Berréby. Et qui n'avait pas d'impact suffisant, ni pour l'éditeur ni pour les auteurs.

Enfin, Allia n'est pas membre du SNE et M. Berréby regrette que les coûts de location servent à payer un syndicat qui est «juge et partie. La France est championne de ces rapports incestueux et du manque de transparence du système.» Pierre-Marcel Favre, président du Salon du livre et de la presse de Genève, rejoint cette idée lorsqu'il relève que la crise actuelle est aussi liée à un problème de personnes: «Il n'y a pas de dirigeant neutre à la tête du SNE, ni de leadership clair. De plus, Hachette travaille de manière verticale, possédant des éditions, des kiosques, des librairies, la distribution...» Les luttes d'influence semblent dès lors inévitables. «Hachette, Editis et le SNE se livrent la guerre? Très bien, que le sang coule!» conclut Gérard Berréby, pour qui ce conflit est «une guerre économique qu'on a du mal à nommer: une pudeur toute française préfère nous faire croire qu'il s'agit de débats intellectuels». Même son de cloche chez Eugène Ebodé, écrivain français et collaborateur du Courrier: pour lui, le coup de gueule d'Hachette est «une stratégie commerciale sous le masque de la défense de la littérature».

Lui se rend cette année au Salon du livre de Paris uniquement car il est invité à intervenir à un débat sur les 50 ans des indépendances africaines. Car ce Salon est à ses yeux «le moins intéressant de France: on n'y rencontre pas vraiment le lecteur, mais le chaland. C'est le spectacle qui prime, non la littérature. Il faut être un écrivain exposé médiatiquement pour intéresser, avoir suffisamment dansé devant les lucarnes télévisuelles et cédé au spectaculaire. On est dans le registre promotionnel, pas dans celui des débats d'idées ou littéraires.» Soulignant la «désertification de la culture qui vise les grands centres urbains», il relève par contraste la qualité des rencontres dans les salons de province.

Les auteurs avouent se sentir perdus au Salon parisien. Chez Métailié, qui a invité cette année Luis Sepúlveda et Bernardo Carvalho, Valérie Guiter note qu'ils «préfèrent les salons plus modestes, moins fatigants, plus chaleureux». L'éditrice genevoise Marlyse Pietri, à la tête des Editions Zoé, n'invite d'ailleurs plus ses auteurs depuis trois ans. «Nous étions tellement démoralisés! Le public vient pour les vedettes médiatiques, pas pour les écrivains, qui n'y ont plus leur place.» Elle n'a même pas convié Matthias Zschokke, prix Femina étranger 2009 pour Maurice à la poule...

 

Idéologie de la gratuité

Selon elle, les rencontres littéraires sont de moins en moins centrales dans les salons depuis cinq ou six ans. «La nature du public a changé, le marché du livre aussi.» En parallèle, l'éditrice constate une forte diminution des ventes, que cela soit à Paris ou à Genève. «Est-ce dû à la diminution de la part de la littérature dans les achats de livres? Les gens passent-ils davantage par internet?» Elle relève un «matraquage idéologique» sur le livre: «Il y a une tendance générale à dire qu'il est trop cher, alors que c'est l'objet culturel qui a le moins augmenté ces vingt dernières années. Cette idéologie de la gratuité pour tout – les journaux, internet, etc. – propulse l'idée que le livre ne doit rien coûter. Et l'époque est peu critique...»

Reste que les salons sont «importants en tant que lieu de rencontre avec le public et les professionnels», dit-elle. A Paris, Zoé a un stand sur le groupe Libella et ses livres sont aussi exposés sur celui de l'Association suisse des diffuseurs, éditeurs et libraires (ASDEL), soutenu par la Confédération, qui accueille 25 éditeurs romands. «La plupart des stands sont tenus par des libraires parisiens, explique Mme Pietri, et ce sont des contacts importants grâce auxquels nous vendons davantage en France.»

 

Salon du livre de Paris, du 26 au 31 mars 2010, salondulivreparis.com

- 1000 éditeurs sont présents sur 400 stands. Plus de 600 rencontres sont organisées. Parmi les 90 auteurs invités, citons Paul Auster, Umberto Eco, Salman Rushdie, Dany Laferrière et Antonio Lobo Antunes, ou encore les Français Marie Ndiaye, Olivier Adam et Emmanuel Carrère.. 

- Débats et conférences exploreront les défis de l'ère numérique, qu'ils soient économiques, juridiques, technologiques ou esthétiques. Le 31 mars, le SNE tient au Salon ses «Assises professionnelles du livre» sur le sujet.

- En 2009, 198 150 visiteurs ont fréquenté le Salon du livre de Paris (20% de plus qu'en 2008), dont 20 000 professionnels. En 2010, le Salon espère 220 000 visiteurs.

Chiffres d'affaires des principaux groupes de l'édition française en 2009:

Hachette Livre: 2, 273 milliards d'euros.

Editis: 760 millions d'euros.

Media Participations: 310 millions d'euros.

Flammarion: 285 millions d'euros.

Reed Elsevier: 283 millions d'euros.

La Martinière: 242 millions d'euros.

Gallimard: 241 millions d'euros.

 

Bisbilles autour d'une présidence

Les relations sont tendues entre le premier groupe de l'édition française, propriété du groupe d'aéronautique Lagardère, et le Syndicat national de l'édition (SNE). Après s'être désengagé du Salon du livre de Paris, Hachette quittait provisoirement le syndicat lundi dernier, suscitant une grave crise interne. Explications.

Vendredi 19 mars, Livres Hebdo annonçait l'élection à la présidence du SNE d'Alain Kouck, PDG d'Editis, numéro deux de l'édition française après Hachette. L'élection «à l'unanimité» aurait eu lieu le 17 mars, et M. Kouck prendrait ses fonctions le 19, succédant à Serge Eyrolles. Président du SNE depuis 1991, le PDG des librairies et éditions Eyrolles avait fait part en février de son désir de ne pas aller jusqu'au bout de son actuel mandat (juin 2011). On le dit las des dissensions au sein du SNE.

Hachette est aussitôt montée au créneau. Dans un communiqué publié lundi 22 mars, le groupe rappelle que le remplacement du président du SNE ne peut être décidé par les douze membres du bureau, mais «doit faire l'objet d'un vote de tous les adhérents à l'occasion d'une assemblée générale». Il précise que si élection il y avait eu, elle n'aurait jamais été «à l'unanimité», car ses deux représentants auraient voté contre. «Serge Eyrolles n'a pas officiellement démissionné de son mandat de président», écrit encore le groupe, qui dénonce un «coup de force» et «les manipulations auxquelles se sont livrés certains à partir de discussions informelles du bureau» – portant sur la gouvernance et l'idée d'une présidence tournante. Hachette annonce qu'il quitte temporairement le bureau du SNE et demande la tenue d'une assemblée extraordinaire.

 

Le syndicat fait marche arrière

Dans un communiqué publié mardi, le SNE confirme «les décisions prises à l'unanimité par le Bureau le 17 mars, notamment de proposer une présidence tournante de deux ans», et déclare qu'une assemblée générale extraordinaire sera convoquée dans les semaines à venir «pour adopter les statuts de cette nouvelle gouvernance, suivie d'une assemblée générale ordinaire qui procédera à l'élection d'un nouveau bureau», écrit le journal français La Tribune. Serge Eyrolles reste aux commandes en attendant. Enfin, dans Les Inrocks de mercredi 24 mars, Christine de Mazières, déléguée générale du SNE, déclare que le syndicat «va strictement respecter la procédure d'élection de son nouveau président, qui aura lieu par vote de l'Assemblée générale ordinaire dans deux mois».

Le SNE semble donc faire marche arrière sur l'élection de M. Kouck. Erreur, stratégie, maladresse? Les questions vont bon train. Si Alain Kouck était réellement élu en juin, Hachette quitterait-il définitivement le SNE? Arnaud Noury, son PDG, succédera-t-il à celui d'Editis dans deux ans, comme on a pu le lire dans la presse française cette semaine? Traditionnellement, ce poste était occupé par un membre d'une maison d'édition de taille moyenne, afin justement de ne pas créer de collusion avec l'un des deux grands groupes du secteur. Certains relèvent encore qu'Editis appartient au groupe espagnol Planeta... Enfin, en cas de démission d'Hachette, quelle serait la légitimité du syndicat sans les maisons du groupe? Et quel impact financier cela aurait-il pour lui? 

 

 

La profession part divisée face aux enjeux du numérique

Les tensions entre Hachette, Editis et Syndicat national de l'édition (SNE) interviennent alors que le président du syndicat aura la lourde tâche de surmonter les dissensions entre éditeurs et de fédérer la profession autour d'enjeux importants liés au numérique. Aux Etats-Unis, les ventes de livres numériques représentaient 3% du marché fin 2009. En France, elles restent marginales, mais pourraient décoller sous l'impulsion du lancement par Apple de son iPad et de l'arrivée, après l'été, de la tablette de Google. Cette évolution va obliger les acteurs français du livre à se positionner rapidement pour que leurs contenus puissent être accessibles sur ces lecteurs. Et pour négocier avec les géants de l'Internet, ils devront resserrer les rangs.

«Une plate-forme commune de distribution du livre numérique serait indispensable, mais ils n'arrivent pas à se mettre d'accord», relève Pascal Vandenberghe, directeur des librairies Payot en Suisse, propriété d'Hachette. Jusqu'ici, les éditeurs français ont opposé une fin de non-recevoir à Amazon et son Kindle. «Au lieu d'investir dans un portail commun de vente en ligne, ils sont entrés dans une bataille juridique contre Amazon qui a duré dix ans», regrette Gérard Berréby, directeur des Editions Allia.

Hachette a créé sa plate-forme de distribution numérique en rachetant en 2008 Numilog, société experte dans le domaine. «Les autres éditeurs se sont alors désengagés», raconte M. Vandenberghe. La Martinière, Gallimard et Flammarion se sont alliés pour développer leur portail. Editis et Média-Participations ont fait bande à part. «Arnaud Noury (PDG d'Hachette, ndlr) a proposé de transformer le statut juridique de Numilog en groupement d'intérêts numériques, où chaque éditeur serait actionnaire», explique M. Vandenberghe. Mais la méfiance est au rendez-vous. «A cause d'une culture bien française, très problématique, et non parce qu'ils sont concurrents – ils le sont lors de rachats de maisons, comme Autrement par Flammarion cette semaine, mais pas sur les livres édités.»

 

Course à la numérisation

Selon le SNE, sur 500 à 800 000 titres publiés en version papier en France, un peu plus de 50 000 sont aujourd'hui disponibles en format numérique, soit 10% de l'offre. Via Numilog, Hachette propose un catalogue de 56 000 titres en français et en anglais, issus d'une centaine de maisons d'édition. Le portail Epagine.fr offre un panel de 3000 titres d'une quarantaine d'éditeurs, dont Gallimard, Le Seuil, Flammarion ou Eyrolles.

Le rythme lent de la numérisation à grande échelle s'explique par le coût de l'opération pour les éditeurs, qui espèrent pour beaucoup une aide financière de l'Etat. Le ministre de la Culture français Frédéric Mitterrand a annoncé mardi être prêt à débloquer des fonds pour créer une «offre numérique alternative à Google Livres» via la numérisation de 500 000 à 1 million d'oeuvres du XXe siècle indisponibles à la vente. Auteurs et éditeurs devront trouver un accord avec les pouvoirs publics d'ici au mois de juillet. Un premier pas vers un front uni? Les Etats, eux, tentent aussi de s'organiser pour numériser le patrimoine littéraire – le site Gallica de la Bibliothèque nationale française en est un exemple, ainsi qu'Europeana, dont la Bibliothèque nationale suisse est membre.

Reste que les privés ont de l'avance. Google a déjà numérisé plus de 12 millions d'ouvrages, sans l'accord des éditeurs. Google Editions, librairie virtuelle qui devrait arriver sur Internet d'ici cet été, comptera quelque 30 000 éditeurs partenaires à l'heure de son lancement, dans six pays dont la France. Selon ActuaLitté, les recettes des ventes iront pour 65% aux éditeurs et 35% à Google. Amazon propose avec son Kindle une bibliothèque en ligne de 700 000 livres numériques.

Apple lancera cette année son «e-book store», et voudra conclure des accords avec les éditeurs français pour l'alimenter. La branche américaine d'Hachette a déjà négocié avec Apple aux Etats-Unis – l'iPad va être commercialisé avec près de 6000 références Hachette Book Group – et espère pouvoir décliner ces accords en France. Pour Arnaud Nourry, l'iPad est un allié face aux géants du Net. «Nous nous sommes mis d'accord sur un mandat d'agent, expliquait-il dans Les Echos du 22 mars dernier. Dans ce schéma, c'est l'éditeur qui fixe le prix de vente des livres – ce sera donc pour les nouveautés 12,99 dollars ou 14,99 dollars s'il ne s'agit pas de best-sellers et les prix seront moins élevés pour les livres de poche. Nous percevrons une rémunération de 70% du prix de vente, Apple 30%.» A l'arrivée du «e-book store», Hachette pourra lui proposer d'emblée ses 8000 titres numérisés sur Numilog.

Enfin, d'autres questions restent encore à régler au niveau du SNE: droits d'auteur, TVA appliquée au livre numérique, tarif... En France, le prix unique issu de la loi Lang devrait s'appliquer pour ne pas déstabiliser l'écosystème. 

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