MONTRICHER (VD) Dimanche, la Maison de l’écriture ouvre ses portes au public. Visite d’un lieu insolite, entièrement dédié à la littérature.
Le cadre est idyllique et le bâtiment semble tout droit sorti d’un rêve, avec ses formes organiques et ses matières nobles. Sur les hauteurs de Montricher, au pied du Jura vaudois, face à la campagne qui descend vers le lac Léman, la Maison de l’écriture se veut «une petite cité avec des espaces différents, ouverte et en évolution», expliquaient ses architectes Vincent Mangeat et Pierre Wahlen hier devant la presse. Pour eux, le défi était de taille: s’il existe plusieurs maisons de l’écriture en Europe, il n’y avait pas d’antécédent de commande pour ce genre de lieux. «Tout était à inventer.» Pari réussi. Après quatre ans de travaux, la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature inaugure ce dimanche 30 juin 2013 la Maison par une journée portes ouvertes dès 14h. Visite.
Bâtie sur le lieu d’une colonie de vacances et de sa chapelle, la Maison a gardé une structu-re en deux bâtiments. Ils sont reliés par une canopée: ce toit ajouré marque le périmètre de la cité et prolonge artificiellement la forêt, avec son tracé organique, ses jeux d’ombre et les cent hautes colonnes qui le soutiennent. Sous ce toit seront suspendues six cabanes, autant de résidences d’auteurs ouvertes dès 2015. «Les choses se font par étapes, comme lors de la construction d’une ville», a souligné Vincent Mangeat. Ainsi, d’autres architectes sont invités à réaliser les résidences.
Résidences d’auteurs et programme culturel
«Elles seront destinées à des écrivains internationaux et suisses, précise Vera Michalski-Hoffmann, présidente de la Fondation. Les auteurs de nouvelles, trop souvent oubliés, et les traducteurs, seront aussi les bienvenus.» Les résidences dureront entre un et douze mois, et une centaine de dossiers ont déjà été déposés – avant même la composition du jury de sélection, s’est réjouie Ann Bandle, directrice de la Fondation Jan Michalski.
En attendant, le lieu proposera un programme culturel en lien avec la littérature. Expositions, concerts, spectacles, conférences et événements contribueront à son rayonnement, avec une programmation régulière dès 2014. Pour l’heure, le public pourra visiter dès dimanche l’exposition dédiée à Slawomir Mrozek, célèbre écrivain polonais, ami de la famille Michalski, dont l’œuvre dramatique est souvent associée au théâtre de l’absurde. Dessins, textes et photographies offrent une plongée pertinente dans son univers plein d’humour.
De la salle d’exposition, on descend un escalier où chêne et béton lissé forment des jeux d’angles et de lumières d’une grande finesse, pour se retrouver au sous-sol, dans un auditorium à l’acoustique excellente qui accueillera concerts et spectacles. Hier, c’était aux élèves comédiens de La Manufacture d’interpréter La Sérénade, courte pièce de Mrozek.
En face, la bibliothèque, réalisée en chêne massif, déroule tel un navire ses cinq étages de galeries, traversées par des passerelles aménagées pour la lecture et tournées sur la campagne. Dès septembre, elle sera ouverte en permanence aux écrivains et aux chercheurs, certains jours aussi au public.
80 000 livres
La bibliothèque, aujourd’hui riche de 25 000 titres, est prévue pour en accueillir 80 000, offrant un panorama de la littérature mondiale où auteurs contemporains côtoieront les classiques. «Les collections ont été constituées dans le respect des goûts de Jan Michalski, relève Vera Michalski-Hoffmann. La littérature des XIXe et XXe siècles et les relations internationales seront largement présentes.» Les rayons italophones et lusophones sont déjà bien garnis, les Russes ont leurs quartiers, les Suisses ne seront pas oubliés. On y trouvera aussi des livres d’artistes, des revues du monde entier et des tablettes pour la lecture des périodiques. A terme est prévu un développement numérique. «Les collections littéraires seront terminées d’ici fin décembre et ensuite disponibles au prêt», ajoute le bibliothécaire responsable Guillaume Dollmann.
Après avoir été réticents, les habitants de la région sont «‘déçus en bien’ après avoir vu le côté chaleureux du bois», sourit Vera Michalski-Hoffmann. Ils auront bientôt à leur porte un lieu stimulant pour la pensée et l’imaginaire.
Le coût de la Maison de l’écriture et son budget d’exploitation sont entièrement pris en charge par la Fondation, qui ne communique pas sur les chiffres. Créée en 2004 en l’honneur de Jan Michalski (1953-2002) – fondateur avec son épouse des Editions Noir sur Blanc, spécialisées dans la littérature des pays de l’Est –, l’institution encourage la création littéraire par des aides financières et le Prix Jan Michalski, qui couronne depuis 2010 une œuvre de la littérature mondiale, tous genres confondus.
www.fondation-janmichalski.com
http://www.lecourrier.ch/110996/une_cite_ou_le_livre_est_roi