Ce soir à Genève, Russell Banks ouvre les feux de la Fureur de lire par une intervention sur l’utopie, thème de cette édition.

 

Gageons que son propos sera aussi clair et généreux qu’il l’a été vendredi soir à la Maison de Rousseau et de la littérature (MRL), où il lançait la série de rencontres «Ecrire Pour, Contre, Avec» – il est ensuite intervenu le samedi à la MRL en dialogue avec Walter Siti, et hier soir aux Cinémas du Grütli où il avait carte blanche.

Vendredi, donc, devant un public attentif, l’écrivain américain a partagé sa vision de l’engagement et de l’indignation lors d’une soirée qui a allié lecture, conférence et discussion avec le public, animée par le professeur Martin Rueff. Dans l’immeuble du 40 Grand Rue, où est né Rousseau, l’atmosphère d’écoute et de réflexion engagée faisait honneur au philosophe. C’est que Russell Banks a conquis son audience par sa chaleur, son humour et la finesse de sa pensée.

«Indignation a un sens différent en français», s’est-il d’abord amusé, perplexe – le mot anglais est plus proche d’«intolérance», même dans sa déclinaison alimentaire... Puis il s’est lancé dans l’éternelle question des relations entre politique et littérature, et de l’impact de cette dernière sur le monde. S’il reconnaît l’importance des protest novels, il relève que ces ouvrages n’ont pas été considérés comme des œuvres artistiques à cause de leur aspect prescriptif. C’est une autre manière d’être engagé qui le touche: d’Affliction à La Réserve, en passant par American Darling et De beaux lendemains, ses romans privilégient la description d’existences, dans toute leur complexité. Banks raconte l’histoire des vaincus. Là réside un enjeu crucial pour lui: l’écrivain n’essaie pas d’écrire pour les autres, il n’a pas un point de vue transcendant. Son rôle est d’écouter et de donner la parole.

L’engagement n’est pas lié selon lui aux thèmes abordés. «Pour le choix du sujet, je dois simplement faire confiance à ce qui m’attire. Un roman peut être très personnel, intime, et transformer le point de vue et la vie d’un lecteur.» Pour lui, la plongée dans l’imaginaire d’un autre être humain est en soi un acte politique. «Le lecteur invente la moitié de l’histoire, remplit les blancs avec ses propres rêves, ses souvenirs, son corps. Il y a solidarité et ça, c’est politique.»

Ses romans se passent dans différents continents, parlent d’enjeux vastes: «Quel lien avec votre propre vie?», demande un auditeur. «On puise toujours dans son expérience, mais elle est reconfigurée dans l’écriture, tout comme elle l’est dans les rêves.»

 

Ma 8 octobre 2013, dédicace de Russell Banks à 15h, Librairie du Rameau d’Or. Conférence sur l’utopie à 20h, Maison communale de Plainpalais, organisée avec la MRL. Rens. wwwfureurdelire.ch et www.m-r-l.ch

http://www.lecourrier.ch/115283/pour_russell_banks_lire_et_ecrire_sont_un_acte_politique