SOLEURE Pendant le week-end de l’Ascension, textes et auteurs seront au cœur de la plus grande manifestation littéraire de Suisse, qui investit les rues piétonnes des bords de l’Aar. Aperçu du programme francophone.

 

Demain soir, les 36e Journées littéraires de Soleure seront lancées par le vernissage de l’exposition «Grrrringo Domingo» d’Ingo Giezendanner. Un titre sonore qui colle au thème décliné cette année: «Stimmen – Voix – Voci – Vuschs» est le fil rouge de ces trois jours de festival, histoire de souligner l’importance de la polyphonie, de la musicalité et des voix émergentes en littérature. Le programme est plus modeste que l’an dernier. Cette édition est en effet celle du renouvellement, une directrice intérimaire, Reina Gehrig, ayant repris les rênes après le départ abrupt de Bettina Spoerri en 2013.

Lectures, Salon de la poésie, rencontres entre auteurs et ateliers de traduction s’enchaîneront jusqu’à dimanche au bord de l’Aar, sans oublier les soirées musicales avec notamment les voix d’Elina Duni et de Raphaël Urweider. Si la plus grande manifestation littéraire de Suisse est majoritairement en langue allemande, francophones et italophones ne sont pas oubliés. On viendra ainsi écouter Philippe Rahmy, plusieurs fois primé cette année pour son magnifique Béton armé, de même que Roland Buti pour Le Milieu de l’horizon. Mais aussi David Bosc et sa Claire fontaine, qui montre les derniers années en Suisse d’un Courbet bon vivant, ou Valérie Poirier pour ses nouvelles autobiographiques à l’humour délicieux (Ivre avec les escargots). On y retrouvera des valeurs sûres (Michel Layaz pour Le Tapis de course, Pascale Kramer pour Gloria), et quelques noms de la relève: Baptiste Naito et son premier roman Babylone, la jeune poétesse Gaia Grandin, Prix de la vocation 2013 avec Faoug, ou encore l’artiste Jérémie Gindre et les récits de On a eu du mal. Bien connue à Genève, Heike Fiedler fait partie de la programmation alémanique mais son jeu avec les langues transgresse les frontières.

A ces invités, que connaissent les lecteurs du Courrier, s’ajoutent les Français Véronique Bizot et Christian Oster (qui remplace Patrick Deville). Notons encore la discussion de dimanche, animée par Roger de Weck, entre Adolf Muschg, qui vient de fêter ses 80 ans, et l’ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey. Quelques questions à l’écrivain Nicolas Couchepin, membre francophone de la commission de programmation.

Comment le thème des «voix» sera-t-il abordé au fil des rencontres?

Nicolas Couchepin: Au moment de faire nos choix, nous avions toujours ce fil rouge en tête, et c’est un aspect que nous allons mettre en avant dans nos modérations en cherchant à définir la voix particulière de chaque écrivain. Nous avons aussi prévu des rencontres entre auteurs sans modérateur (Véronique Bizot et Michel Layaz par exemple), qui parleront entre autres de ce thème dans leur œuvre. Les traducteurs se prêteront également au jeu: la traduction n’est-elle pas aussi un passage d’une langue dans une autre sonorité?

L’an dernier, le festival s’était achevé par une «Déclaration de Soleure», dans l’idée de réfléchir sur le monde du livre en Suisse. Qu’en est-il cette année?

Auteurs et éditeurs s’étaient en effet réunis en amont des Journées pour déboucher sur une «Déclaration», mais l’idée n’a pas été reconduite. Nous avons imaginé trois «Ateliers de l’avenir», en français, en anglais et en allemand, qui s’interrogeront sur la littérature du futur. Que sera le paysage littéraire en 2034, quelles formes d’édition, quelles innovations littéraires? Côté français, François Bon a écrit un texte qui servira de base à son intervention et sera discuté lors d’un débat ouvert. L’idée est de se projeter dans l’avenir, avec une dimension de science-fiction qui ouvrira peut-être des pistes intéressantes...

Quels sont vos coups de cœurs personnels?

Christian Oster a été pour moi une vraie découverte. J’ai rarement lu un texte aussi personnel et inattendu qu’En Ville (L’Olivier, 2013). Il évoque la mort et l’angoisse de vieillir d’une façon légère, dans de longues phrases divagantes qui jamais ne nous égarent. Une écriture très aérienne qui ne dit presque rien – il se passe peu de choses. J’ai aussi beaucoup aimé le premier roman de Baptiste Naito, une sorte de «route 69» qui se déroulerait entre Lausanne et Renens!

Après la démission abrupte de l’ancienne directrice Bettina Spoerri, comment s’est passée cette année de transition?

Sereinement. Reina Gehrig et Beat Mazenauer, qui dirige la commission de programmation, ont été nommés par intérim pour deux ans. Ils seront donc encore là l’an prochain. Ensuite, tout est ouvert.

 

Du 29 mai au 1er juin, programme: www.literatur.ch

http://www.lecourrier.ch/121280/les_journees_litteraires_donnent_de_la_voix