ENQUETE Falsification de documents, procès sans preuves ni témoins, propagande: un livre dévoile les dessous peu reluisants de l’affaire Cesare Battisti, écrivain de polars poursuivi par son passé militant durant les années de plomb italiennes.

 

 

On se souvient de la mobilisation massive des écrivains et intellectuels français en faveur de Cesare Battisti, en 2004: installé dans l’Hexagone depuis 1990, l’auteur de polars italien bénéficiait, avec 300 compatriotes, de la protection de la «doctrine Mitterrand», instaurée en 1985 pour protéger les Italiens ayant fui la répression des années de plomb. Ce compromis négocié par le président français avec le gouvernement italien empêchait leur extradition, et visait à adoucir le climat de persécution et de violence qui agitait alors la ­Péninsule. Mais le 11 septembre 2002, Jacques Chirac abolit cette protection à la demande de Silvio Berlusconi, qui réclame l’extradition de 100 exilés – chiffre ramené à vingt, afin de ne pas alerter l’opinion. Battisti en fait partie, accusé de trois homicides et de «responsabilité morale» dans un quatrième, qu’il aurait commis alors qu’il était membre des Prolétaires armés pour le communisme (PAC) dans les années 1970. Il clame son innocence et, quand la France décide de l’extrader en 2004, fuit au Brésil, où il est aujourd’hui provisoirement en sécurité.

Mais l’affaire est loin d’être réglée: elle suscite toujours la polémique et reste truffée de zones d’ombre troublantes, que révèle un livre-enquête passionnant signé Carlos A. Lungarzo. Dans Cesare Battisti. Les Coulisses obscures, l’auteur brésilien, docteur en sociologie, expose l’ensemble des faits qui ont mené à l’acharnement judiciaire contre l’écrivain, des années noires italiennes aux manipulations de son procès brésilien. Loin de la polémique politique, son livre jette une lumière crue sur l’Italie et la France d’aujourd’hui. Retour sur une histoire édifiante.

UN CONTEXTE DE VIOLENCE

L’Italie d’après-guerre n’a pas liquidé son héritage mussolinien. Dans les années 1970 – et c’est toujours le cas –, nombreux sont les députés et ministres néofascistes. La Démocratie chrétienne au pouvoir (centre droit) est alliée aux ex-staliniens et à l’extrême droite dans une lutte commune contre la gauche non-parlementaire. En pleine guerre froide, les Etats-Unis œuvrent en sous-main via les stay-behind armies, réseaux clandestins coordonnés par l’OTAN prêts à agir en cas d’agression par le bloc de l’Est. Le plus célèbre d’entre eux, le Gladio, mis en place sous l’égide de la CIA et du MI6, est financé par des hommes d’affaires et industriels italiens, soutenu par le Vatican, la magistrature et l’Etat. Avec l’aide de la loge clandestine P2, dirigée par Licio Gelli – et dont Silvio Berlusconi a été membre –, Gladio contribue à la «stratégie de la tension», dont le but est d’empêcher les partis communiste et socialiste d’accéder à l’exécutif, mais aussi d’entretenir un climat de peur afin de faciliter l’arrivée au pouvoir d’un régime autoritaire. L’Italie est alors déchirée par de violents conflits sociaux. Etudiants et ouvriers se révoltent, enchaînant grèves et manifestations, souvent brutalement réprimées.

Les «années de plomb» débutent en 1969 par un attentat à la bombe qui tue 16 personnes et en blesse 88 à la Piazza Fontana, à Milan. Un acte terroriste commis par des activistes néofascistes, qui frappent la foule à l’aveugle puis ­diffusent de faux tracts au nom de l’ultragauche autonome. Jusqu’à la bombe qui explose à la gare de Bologne en 1980 – œuvre de la loge P2 et d’officiers des services secrets militaires –, on compte plus de 600 attentats qui font près de 400 morts et des centaines de blessés. Quatre sur cinq sont le fait d’organisations clandestines d’extrême droite. Alors que la terreur fasciste reste impunie, l’Etat italien promulgue des «lois spéciales», réactivant notamment des lois mussoliniennes, pour arrêter et juger les militants de gauche. Isolement, tortures, incitations au suicide, exécutions sommaires: de 1974 à 1982, les victimes de la répression en Italie ont été plus nombreuses que celles de la dictature brésilienne dans le même laps de temps, note Carlos Lungarzo.

PRENDRE LES ARMES?

L’émergence de groupes armés issus de la gauche autonome s’inscrit en réponse à ce contexte. Cesare Battisti entre dans les PAC, dirigés par Pietro Mutti, en 1977. En mai 1978, le président de la Démocratie chrétienne Aldo Moro est assassiné par les Brigades rouges. Battisti s’interroge sur la pertinence de la lutte armée. Quand les PAC tuent Antonio Santoro, chef des geôliers de la prison d’Udine, il suggère en vain à Mutti la dissolution du groupe. C’est en 1979 que des membres du groupe tuent le bijoutier Torregiani à Milan et le boucher Sabbadin en Vénétie (deux activistes d’extrême droite), puis Andrea Campagna, qui travaille pour la police antiterroriste. Deux mois plus tard, Battisti est arrêté avec d’autres PAC dans un appartement qui cache plusieurs armes – elles n’ont jamais servi, indiquera l’enquête. Il rédige en prison une procuration manuscrite mandatant pour sa défense les avocats Giuseppe Pelazza et Gabriele Fuga – en 1981, ce dernier, qui défendait de nombreux prisonniers politiques, est emprisonné et ressortira brisé psychologiquement des traitements subis.

Lors de ce premier procès collectif, en 1979, Battisti est condamné à treize ans de prison pour actes de subversion au sein des PAC. Jamais il n’est question des quatre homicides, pour lesquels d’autres camarades sont jugés. Battisti s’évade en 1981 avec l’aide de Mutti et de ses amis, mais refuse de rejoindre leur groupe et exige la fin de la lutte armée. Il fuit alors en France, où il rencontre celle qui deviendra sa femme; le couple part au Mexique, terre d’accueil de nombreux opposants aux dictatures sud-américaines. Battisti commence à écrire, ne donne plus de nouvelles et coupe les liens avec sa famille, les lois spéciales permettant d’arrêter les proches des militants.

VINGT EXILES CONTRE UN TRAITE

C’est en 1982, lorsque le reste des PAC est arrêté, qu’il est accusé des trois homicides et de complicité morale pour le quatrième. Pietro Mutti, condamné à perpétuité, notamment pour le meurtre de Santoro, se fait «repenti»: plus il collabore avec la justice, plus il bénéficie de remises de peine – il fera au final huit ans de prison. Il considère Battisti comme un traître et l’accuse de la quasi totalité des meurtres du groupe. Utilisant ces «aveux» et ceux d’autres repentis, le tribunal de Milan rouvre le dossier et condamne Battisti à deux peines de prison à perpétuité. Les accusations «se diluent au fil des sentences», écrit Carlos Lungarzo. Mais sa condamnation est définitive en 1988 et l’Italie demande son extradition.

Ces procès ont eu lieu en son absence, et Battisti en prend connaissance à son arrivée en France en 1990. Protégé par la doctrine Mitterrand, il se fait peu à peu un nom comme écrivain de romans noirs et en 2004, lorsque tombe la nouvelle demande d’extradition de l’Italie, il est à quelques mois de sa naturalisation. Cette fois-ci, l’Etat français entre en matière. Jacques Chirac souhaite proclamer le Traité pour une Constitution européenne, bloqué par l’Italie, le Vatican s’opposant à son principe de sécularité. Berlusconi, lui, «doit se concilier son extrême droite, les ex-staliniens et, enfin, les juges omnipotents des années de plomb», écrit Lungarzo. Rapatrier vingt «terroristes» satisfaisait tout ce monde, ainsi que l’opinion publique. En échange, Berlusconi signe le traité et s’engage pour la construction de la ligne TGV Lyon-Turin et l’achat d’environ dix Airbus.

Battisti est le premier de la liste. Mais à peine est-il arrêté que le milieu du polar se mobilise et réunit 23 000 signatures en deux semaines. Ecrivains, intellectuels et médias prennent parti en sa faveur, alors que leurs homologues italiens sont convaincus de sa culpabilité. Face à cette réaction totalement imprévue, l’Italie renoncera à réclamer les autres exilés. C’est sur Battisti seul, élevé au rang de symbole du terrorisme, que se concentre dès lors sa fureur: elle doit à tout prix le discréditer, rendre nulle sa parole, car la mobilisation française «remettait à l’ordre du jour l’histoire des années de plomb, qui avait largement sombré dans l’oubli, hors Italie», écrit Carlos Lungarzo. Il montre comment la propagande ciblée de l’Italie a retourné la plupart des médias. Le Monde, qui a des intérêts économiques dans la Péninsule, ouvre ses colonnes aux auteurs italiens critiques envers la naïveté de leurs pairs français.

LES FAUSSES PROCURATIONS

En France, il n’est pas possible d’extrader un accusé qui était absent à son procès, sauf s’il a refusé d’y assister et a mandaté un avocat pour le représenter. Selon la justice française, même si Battisti n’a pas assisté à son procès, il en avait été informé: preuve en est les deux mandats envoyés à ses avocats depuis le Mexique pour le représenter. L’extradition est donc possible.

Afin de permettre son expulsion, la justice italienne a envoyé ces mandats en France. Mais c’est seulement après la décision française, avec six mois de retard, que la défense de l’écrivain a réussi à les récupérer. Un choc: ce sont des faux. Un fait confirmé par l’experte en graphologie de la Cour d’appel de ­Paris. Datées de mai et juillet 1982, les procurations sont identiques, mot à mot, ligne après ligne. Les magistrats italiens ont utilisé la procuration écrite par Battisti en 1979 pour en fabriquer de nouvelles, en la ­décalquant sur deux blanc-seings (feuilles vierges avec sa signature) laissés à un camarade avant son ­départ, une pratique ­courante. Il y fait d’ailleurs appel aux mêmes avocats. Me Fuga, en mauvaise santé, s’occupa peu de temps du cas, et c’est Me Pelazza qui le suivit. Carlos Lungarzo rapporte son dégoût, qu’il exprima dans une lettre: «L’impossibilité de défense effective lors du procès se manifesta, sur le fond, au moment de la reconstitution des faits criminels de M. Battisti effectuée par le ‘repenti’ Pietro Mutti.» Et de rappeler l’indispensable présence de l’accusé au moment du contre-interrogatoire des «repentis», coaccusés et témoins.

En résumé, la condamnation de Battisti se base uniquement sur les aveux de Mutti – qui a depuis disparu –, avant lesquels ­l’écrivain n’avait jamais été soupçonné. L’accusation n’a été ­capable de fournir ni preuves ni témoins. La défense française de Battisti n’a jamais eu accès à toutes les pages des procès italiens, et singulièrement pas à celles qui détaillent les prétendues «preuves». Enfin, c’est sur la base des fausses procurations, utilisées pendant onze ans lors de tous les jugements en l’absence de l’accusé, que la France a décidé d’extrader Battisti. Une fois leur falsification mise en lumière et des recours déposés, la justice française n’en a pas tenu compte et a confirmé le verdict, à l’instar de la Cour européenne des droits humains à Strasbourg.

EN SURSIS

En été 2004, Battisti a fui au Brésil qui n’extrade pas les personnes poursuivies pour délits politiques. Là encore, l’Italie pèsera de tout son poids pour obtenir l’extradition, au point que la justice brésilienne – majoritairement à droite – tentera de modifier la loi afin de pouvoir se débarrasser du «terroriste» (lire ci-dessous). C’est à l’intervention du président Lula, qui refuse l’extradition au dernier jour de son mandat, que Battisti doit son sursis. Il est libéré en 2011, mais n’a pas le statut de réfugié. Son sort dépend de la couleur politique des prochains présidents brésiliens.

De l’Italie au Brésil, Carlos Lungarzo analyse admirablement les raisons politiques, historiques et symboliques de cet acharnement. Manipulations, propagande et mensonges italiens ­décrédibilisent les accusations contre Cesare Battisti. Au-delà de la question de sa culpabilité, ils bafouent les droits de l’accusé et dérogent aux principes d’un Etat de droit.

 

Terreur d’Etat

En tant qu’individu, Cesare Battisti n’était pas assez important pour se retrouver à ce point persécuté, écrit Carlos A. Lungarzo dans Les Coulisses obscures. «Il n’avait jamais été leader d’un groupe et son activité en tant que militant s’était achevée en 1979.» A son retour en France en 1990, la justice italienne le réclame, comme d’autres réfugiés, mais sans insister davantage. C’est en 1998 que la roue tourne, quand il publie Dernières cartouches (Ed. Losfeld), itinéraire d’un jeune homme qui se joint à des groupes armés en 1976. Le roman transmet le climat de terreur étatique qui sévissait alors et, sans justifier idéologiquement la violence armée, montre comment des milliers de jeunes ont pris ce risque et préféré mourir ou être incarcérés plutôt que se soumettre. Il n’épargne pas non plus les «repentis». Le livre est un succès, également publié en Italie. Pour le gouvernement de Berlusconi, c’est la «goutte d’eau», selon Carlos Lungarzo. Quand il réclame le retour des vingt réfugiés, Battisti figure en tête de liste.

A cause de sa publicité, son cas a mis en lumière une période oubliée: «Chez les responsables italiens naquit alors la terreur que (...) la vérité ne sorte du puits, c’est-à-dire la vérité sur ce qui advint réellement en Italie durant les années de plomb, derrière la façade ‘démocratique et légale’.»

Carlos Lungarzo détaille la continuité du fascisme dans la société italienne, les «lois spéciales» qui débouchèrent sur des abus législatifs, judiciaires, et la pratique de la torture. Non seulement l’Italie ­actuelle n’a jamais fait la lumière sur les crimes de la répression, mais ses victimes sont encore persécutées, note-t-il. Elle a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme en 2007 pour son système carcéral 41-bis, mis au point contre les militants de gauche, qui allie isolement, surveillance permanente et privations sensorielles, et conduit à la psychose. Son appareil répressif «s’est trouvé de nouvelles ­victimes» (Africains, musulmans, Tsiganes, marginaux). Enfin, selon plusieurs ONG, entre 2000 et début 2009, il y a eu 518 suicides par an dans les prisons «spéciales» italiennes, dont beaucoup parmi les prisonniers politiques, et 1365 morts de causes violentes.    

 

«Le Brésil a inventé le terrorisme de droit commun»

Fred Vargas est connue pour ses romans policiers à succès et, depuis quelques années, pour son engagement en faveur de Cesare Battisti. Historienne et archéologue de métier, l’auteure française s’est mobilisée pour Battisti dès 2004. Depuis, entre la France et le Brésil où elle est allée une vingtaine de fois, son engagement n’a pas faibli envers celui dont elle est persuadée de l’innocence. Deux mois après la ­sortie de Cesare Battisti. Les Coulisses obscures, elle se dit «sidérée par le silence assourdissant des médias français» et «heureuse d’être invitée en Suisse», où elle présentait l’ouvrage à Genève il y a quelques jours. Entretien.

Pourquoi vous impliquez-vous autant dans cette affaire?

Fred Vargas: Ce qui m’a alertée d’abord, en tant qu’historienne et archéologue, a été la disproportion totale des moyens utilisés par l’Italie face à un homme dont personne ne connaissait l’existence. Un inconnu était soudain la cible d’une propagande démesurée – qui a porté ses fruits, puisque Battisti attire à présent la haine collective, ce que le psychiatre autrichien Wilhelm Reich appelait la «peste émotionnelle». On m’a beaucoup discréditée, mais je n’ai aucune indulgence pour la lutte armée et j’ai mené ce combat de manière non politique, en historienne, au nom de la justice et pour connaître la vérité.

Peut-on parler d’acharnement judiciaire, et comment l’expliquez-vous?

– Oui. Quand l’extrême droite italienne a été jugée pour ses attentats à l’aveugle parmi la foule, les magistrats ont toujours élargi les accusés «faute de preuves suffisantes» – sauf Vincenzo Vinciguerra, responsable de l’attentat de Milan. Beaucoup ont quitté le pays et l’Italie n’a jamais demandé leur extradition. Mais elle s’acharne contre Battisti, accusé de crimes sans aucune preuve, au cours d’un procès sans témoins, sans sa présence et sans avocats nommés par lui, sans expertises et sans droit à un nouveau jugement.

Par ses écrits et ses prises de parole, il est un symbole dangereux pour la Péninsule, qui rappelle les révoltes des années 1970 et la manière dont le pouvoir les a réprimées. Il écrivait sur les années de plomb, dénonçant l’impasse du ­terrorisme. Lors de ses interviews, il parlait de Berlusconi qui avait été membre de la loge P2, des collusions entre la mafia, le Vatican, l’extrême droite et les industriels. Il était gênant. Il y a aussi eu une volonté d’amalgame absurde entre la gauche armée des années de plomb et les terroristes musulmans après le 11-Septembre.

La reconnaissance des fausses procurations pourrait mettre l’Italie dans l’embarras...

– C’est une révélation incroyable, qui met ­directement en cause la Cour italienne. Mais on est face à une véritable omerta médiatique, à ­l’époque et aujourd’hui même. Les Coulisses obscures, un livre historique, est accueilli par le silence... Il n’est pas paru en Italie, où il serait ­explosif.

Les deux pays ont la même tactique: les magistrats italiens ont ignoré la révélation de la fabrication de faux mandats soi-disant écrits par Battisti, comme si l’information n’avait jamais été dévoilée. En France, on en a informé le Conseil d’Etat, qui a confirmé l’extradition de Battisti malgré les documents fournis. Tout comme la Cour européenne des droits de l’homme, également informée, qui n’a pas voulu désavouer la Cour d’appel de Paris et a presque recopié son avis.

Vous êtes également intervenue au Brésil.

– En effet. Il y est impossible d’extrader quelqu’un pour des crimes de nature politique. Or l’Italie a voulu obliger le Brésil à transformer ces crimes politiques en crimes de droit commun. J’ai écrit à Francesco Cossiga, leader de la répression et des lois d’exception pendant les années 1970, afin de lui demander son avis sur la question. Il a répondu dans une lettre: «Comme moyen de lutte psychologique, nous avons réussi à faire passer les subversifs de gauche et les ­séditieux de droite pour de simples terroristes et parfois même pour des ‘criminels de droit commun’. (...) ce sont des crimes, néanmoins certainement pas des ‘crimes de droit commun’, mais au contraire des ‘crimes politiques’.» Obtenir cette réponse a été difficile: j’étais surveillée, mon courrier aussi, et mon appartement a été fouillé pour l’intercepter, de manière visible afin de m’intimider. Cette lettre a été transmise à la cour brésilienne mais totalement ignorée. Le Brésil a ainsi créé le nouveau concept de «terrorisme de droit commun»: les victimes sont d’extrême droite, le crime a l’apparence d’un crime politique, mais il s’agit en fait d’une vengeance personnelle. On pouvait dès lors extrader Battisti.

Que devient-il aujourd’hui, et quelles sont vos intentions?

– Il a écrit en prison le roman Face au mur (2012) et en a commencé un autre, mais la difficulté de sa réinsertion au Brésil pèse sur sa capacité à écrire sereinement. Nous voulons à présent faire rouvrir le procès auprès de la Cour d’appel de Paris, en arguant que nous disposons d’un fait nouveau: l’existence des fausses procurations. Ces documents devraient permettre d’annuler le verdict d’extradition. Mais dans la pratique, il y a peu de chances que la France ­reconnaisse que la Cour d’appel a sciemment fraudé: n’oublions pas la dimension politique de l’affaire, la réputation du pouvoir judiciaire, etc.

 

Carlos A. Lungarzo, Cesare Battisti. Les Coulisses obscures, Ed. Viviane Hamy, 2014.

http://www.lecourrier.ch/119846/mensonges_a_l_italienne