GENEVE - Depuis mai 2003 dernier, Jean-Bernard Mottet est le nouveau «Monsieur Livre» du département des Affaires culturelles de la Ville de Genève. Entretien.

 

Jean-Bernard Mottet a pris la tête de la nouvelle section «Livre et lecture», créée au sein du Département des Affaires culturelles de la Ville de Genève au printemps dernier. S'il est maintenant conseiller culturel, Jean-Bernard Mottet n'est pourtant pas nouveau venu au sein du département, puisqu'il occupait le poste de délégué à l'information et à la communication d'Alain Vaissade depuis une dizaine d'années. Ce passionné de théâtre, qui a dirigé la rubrique culturelle du Courrier dans les années 1980 et a fondé le Théâtre du Dé à Evionnaz, dans son Valais d'origine, retrouve grâce à ce poste ses premières amours: la littérature, et plus largement l'écrit sous toutes ses formes. Entretien.

 

Pourquoi ce poste a-t-il été créé et en quoi consiste-t-il?

Jean-Bernard Mottet: Alain Vaissade avait créé, au sein du Département des Affaires culturelles, un Service aux artistes et acteurs culturels, avec des conseillers culturels dans les domaines de la scène, de la musique et des arts plastiques. Le dernier domaine à pourvoir était celui du livre et de l'édition, parent pauvre de la politique culturelle. Voilà qui est fait!

«Des initiatives pour promouvoir le livre ont toujours existé, notamment par un système de prix et un fonds de soutien à l'édition, créés par la Ville de Genève. Mais, en 1994-1995, les éditeurs genevois ont tiré la sonnette d'alarme en publiant le Livre blanc des éditeurs. C'est à ce moment qu'on a pris conscience des difficultés des petits libraires et éditeurs à Genève, qui a pourtant une longue tradition dans le domaine du livre. Le problème en Suisse est que le livre est considéré comme un produit comme un autre: contrairement à la France, il n'existe ni prix unique, ni exception culturelle. Le rôle du conseiller au livre est d'approfondir la réflexion sur le développement de la vie éditoriale à Genève, par le soutien aux auteurs, au livre et à la lecture.

 

Et quelle sera exactement votre fonction?

– Le poste est neuf, tout est à imaginer. Mais il s'agit de développer une «politique du livre». Mon rôle est de réfléchir à la manière d'optimiser les soutiens accordés dans ces domaines.

Comment comptez-vous vous faire connaître?

– Des bourses sont attribuées pour soutenir les émergences, mais la population ne le sait pas assez. Les livres soutenus ne sont pas suffisamment mis en valeur. Nous voulons montrer à quel point ces bourses favorisent l'éclosion de talents. Il s'agit en fait de créer plus d'impact public et médiatique. Si une pièce de théâtre est publiée avec notre soutien, par exemple, il faudrait susciter les conditions pour que les directeurs de théâtre puissent en prendre connaissance. J'aimerais aussi organiser un événement au printemps. Il est un peu tôt pour en parler, mais l'idée est de profiter du Salon du Livre – un rendez-vous important pour les éditeurs – pour mettre en valeur le livre et l'édition dans la ville de Genève même. Nous avions soutenu le Festival In-Folio, qui avait lieu à la Salle communale de Plainpalais pendant le Salon, mais qui n'existe plus. Je souhaiterais une nouvelle approche.

Et en ce qui concerne la promotion de la lecture?

– Jusqu'à aujourd'hui, la lecture a bénéficié d'un soutien important à travers le réseau des bibliothèques, qui font un immense travail. Ce sont elles qui organisent la Fureur de lire, et elles accueillent beaucoup d'expositions et de manifestations. La Ville de Genève est aussi partenaire de «Lettres frontière», qui décerne chaque année un prix à des auteurs de Suisse romande et de Rhône-Alpes. Dix romans sont sélectionnés, et les bibliothèques invitent leurs auteurs chez elles tout au long de l'année.

Quel rôle joue pour vous la littérature?

– Elle permet un regard lucide, critique, original sur le monde. Comme l'art en général, elle offre le supplément du rêve et de l'imaginaire à la vie réelle. Elle nourrit la vie intellectuelle. Comment vivre sans histoires? Mais la littérature n'est qu'un domaine de l'écrit, qui est l'outil culturel de base. Je pense au livre papier, mais aussi à l'ordinateur, aux DVD, aux jeux... On parle à nouveau d'illettrisme, c'est très grave: dans notre société, on n'existe pas si on ne sait pas lire et écrire.

Elargissez-vous la notion de «littérature» à des formes d'expressions plus marginales, comme le slam1?

– Oui. Le slam est une forme très importante qui témoigne du renouvellement du langage poétique. Il y a d'ailleurs une soirée slam dans le cadre de la Fureur de Lire. J'aimerais aussi promouvoir la poésie.

Dans une Genève multiculturelle, imaginez-vous soutenir la traduction d'ouvrages dans des langues minoritaires?

– C'est une question complexe et intéressante. Cela dépend d'abord de Pro Helvetia, qui aide à traduire les auteurs suisses à l'étranger. A notre échelle, c'est difficile. Il faudrait des partenaires dans les communautés étrangères. La traduction coûte cher, et il faut ensuite publier et disposer pour cela d'un plus grand lectorat dans les langues concernées... Le rôle de la Ville de Genève est donc modeste, mais je souhaite qu'il puisse se développer.

 

1) «Le slam est un mouvement artistique, culturel et social, marqué par la volonté de rendre la création et l'expression orale accessibles au plus grand nombre: démocratiser la poésie, la dépoussiérer de poncifs encombrants.»

www.slameur.com

http://www.lecourrier.ch/jean_bernard_mottet_l_ecrit_est_l_outil_culturel_de_base