SUISSE - Les acteurs du livres l'attendaient avec impatience: Payot dévoile sa position officielle sur le prix réglementé du livre en Suisse.

 

A ce jour, les modalités d'une loi sur le prix unique ne sont pas encore fixées (lire notre édition du 30 octobre), et Payot veut pouvoir se prononcer en connaissance de cause, explique le premier libraire de Suisse romande, qui a révélé vendredi au Courrier sa position sur la question du prix unique du livre en Suisse. Un avis particulièrement attendu depuis que la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national a accepté de donner suite à l'initiative «pour un prix réglementé du livre en Suisse», en septembre dernier. Dans un texte signé de son directeur général Pascal Vandenberghe, Payot dit vouloir «dépasser les a priori et les préjugés qui tiennent souvent lieu de vérité et de certitude sur un sujet aussi sensible», et soulever un certain nombre de questions avant de prendre parti «pour» ou «contre» le prix unique.

 

LA LOI NE SUFFIT PAS

«Quels seraient les objectifs de la loi?» se demande Payot. Les difficultés auxquelles sont confrontées les librairies indépendantes sont-elles exclusivement liées à la question du prix du livre? N'y a-t-il pas d'autres facteurs qui les pénalisent? De quel modèle s'inspirerait une loi sur le prix unique en Suisse? Alors que les Romands sont tournés vers la France et la loi Lang, les Alémaniques sont proches de ce qui se pratique en Allemagne. Et les systèmes sont très différents, ne serait-ce qu'au niveau des tabelles pratiquées par les diffuseurs. Une règle au niveau suisse serait-elle adaptée aux trois régions? Comment? Et, surtout, par qui serait fixé le prix unique et à quel niveau?

Payot relève également que certains points ne sont pas abordés par les défenseurs d'un prix réglementé. En France, par exemple, la loi Lang oblige les fournisseurs à communiquer leurs conditions de ventes, afin que chaque libraire puisse disposer d'éléments objectifs sur la remise qui lui est concédée selon des critères bien précis. En Suisse romande, ces remises dépendent du bon vouloir du diffuseur et de ses relations avec le libraire – plus ce dernier est gros, plus il peut faire pression pour obtenir une remise importante. «Cette question n'a pas l'air d'occuper les esprits, alors qu'elle est à nos yeux indissociable de celle de la réglementation du prix du livre», écrit Payot.

Par ailleurs, la loi Lang a été complétée par d'autres mesures de soutien aux libraires: un système de subventions, des prêts à des conditions préférentielles, ou la possibilité de gérer son stock «à crédit» – en ne payant les ouvrages qu'une fois vendus. En Suisse, une loi ne devrait-elle pas également «s'accompagner d'une politique de soutien par un ensemble de mesures appropriées?» s'interroge Payot.

 

QUI FIXERA LE PRIX?

Enfin, le libraire relève des différences de taille entre la Suisse et la France, souvent citée comme modèle. Dans l'Hexagone, le prix du livre est fixé par l'éditeur. Le diffuseur est simplement un intermédiaire entre éditeur et libraire, qui se charge de commercialiser le livre mais n'en est propriétaire à un aucun moment de la chaîne. Mais la Suisse importe 80% de ses livres – ce taux est même le «seul point commun» entre les marchés des trois régions linguistiques! C'est l'importateur, c'est-à-dire le diffuseur local, qui fixe le prix de vente du livre «en fonction d'une tabelle sur laquelle ni l'éditeur ni le libraire n'ont leur mot à dire». Et Payot de s'interroger: «Si l'on accepte l'idée d'un prix unique, sa fixation doit-elle relever de la seule décision des diffuseurs, comme c'est le cas jusqu'alors? Et de cette question en découle naturellement une autre: à quel niveau ce prix unique devrait-il se situer, et par rapport à quoi?» Pour le libraire romand, c'est ici le coeur du sujet, qui déterminera à la fois le prix de vente du livre et les conditions de travail des libraires.

En conclusion, Payot exprime le souhait que le point de vue de tous les acteurs du livre soit pris en compte par le législateur dans le processus de consultation. Et espère que ses questions apporteront de l'eau au moulin de la réflexion.

 

http://www.lecourrier.ch/payot_s_interroge_sur_le_prix_unique_du_livre