LIBRAIRIE - Hier, le syndicat Comedia manifestait devant le siège de Lagardère, à Paris, pour protester contre la politique de Payot. Pomme de la discorde: la convention collective de travail de la branche.

 

«Nous demandons la participation de Payot aux négociations de la convention collective de travail (CCT), ainsi que le respect de cette convention pleine et entière», explique au téléphone Pierre Genier, secrétaire régional du syndicat suisse des médias Comedia. En bruit de fond, on distingue le brouhaha de la circulation parisienne et des slogans scandés. Soutenu par des syndicats français – notamment la CGT, FO et la CFDT –, Comedia manifestait à Paris, hier à 14h, devant le siège du groupe Lagardère, propriétaire de Hachette, qui détient la librairie Payot.

Au terme de son action, qui s'est achevée dans le calme deux heures plus tard, le syndicat n'a pas réussi à rencontrer la direction des ressources humaines de Lagardère. Le groupe lui a fait savoir que «le problème était suisse et que nous devions d'abord discuter avec Payot», relate Pierre Genier. Comedia va donc solliciter un rendez-vous auprès de son directeur, Pascal Vandenberghe, «sur base de la lettre de Lagardère qui s'engage à un dialogue social paritaire», explique le secrétaire syndical.

Le conflit qui oppose Comedia à Payot a débuté en juillet 2004, date de l'entrée en vigueur de la nouvelle CCT négociée entre le syndicat et l'Association suisse des diffuseurs, éditeurs et libraires (ASDEL, association patronale de la branche, qui regroupe des petites librairies). Le moment coïncide avec l'arrivée de Pascal Vandenberghe à la tête de Payot. «La CCT réduisait de 41h à 40h heures la durée de travail hebdomadaire, explique Pierre Genier. Payot a refusé d'appliquer cet accord et est sorti de l'ASDEL.» Selon lui, «la CCT est valable pour tous, même pour les non-membres de l'ASDEL». Le syndicat attend un avis de droit sur la question. Comedia proteste aussi contre le licenciement jugé abusif de l'une de ses membres, Josiane Mazeau, gérante de Payot Neuchâtel. Elle avait pris clairement position pour l'application de la CCT de la branche, raison pour laquelle elle a été licenciée le 12 janvier dernier, selon Comedia. Qui demande «sa réintégration à un poste comparable, et la réactivation des droits syndicaux de base au sein de l'entreprise, notamment celui d'informer les employés».

Contacté hier, Pascal Vandenberghe déplore «l'amalgame» fait par Comédia. «Le licenciement de Mme Mazeau n'a rien à voir avec son appartenance à un syndicat. D'autres cadres de l'entreprise font partie de Comedia. Il s'agit d'un choix individuel. Elle est partie elle-même durant un entretien au sujet de sa position en tant que cadre de Payot.»

Les salariés de Payot ont été consultés sur la nouvelle CCT, explique le directeur de la librairie: ils se sont prononcés contre le passage à 40 heures hebdomadaires et ont préféré plus de congés payés. «Les demandes de nos salariés et les nôtres se rejoignent», relève-t-il. «Les avantages sociaux et les salaires sont meilleurs chez Payot que ceux défendus dans la CCT négociée entre l'ASDEL et Comedia. A titre d'exemple, nos employés ont cinq semaines de congés payés contre quatre dans la CCT de la branche. Selon cette dernière, le salaire minimum du personnel qualifié est de 3525 francs sur douze mois la première année, contre 3500 francs sur treize mois chez Payot.»

Les employés de Payot se réunissent demain – «à leur initiative et sans les cadres», précise Pascal Vandenberghe –, afin de décider s'ils souhaitent rester dans la «CCT ASDEL-Comedia» ou négocier une convention maison. Les petites librairies qui le désirent pourraient alors adhérer individuellement à une éventuelle «CCT Payot», explique M. Vandenberghe, «pour autant qu'elles en aient les moyens financiers».

Quant à Pierre Genier, il se montre inquiet à l'idée d'un accord interne, qui n'offre pas de garanties légales et que la direction peut modifier à son gré: «Une série de critères légaux empêchent justement un syndicat maison de signer une CCT, afin d'éviter qu'il soit sous la domination de l'entreprise.»

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