VOTATION DU 11 MARS 2012  Les Villes de Genève et de Lausanne ont pris position hier conjointement en faveur du prix réglementé du livre.

 

Hier, dans toute la Suisse, les libraires ont lancé leur campagne «Oui au livre» en vue de la votation du 11 mars prochain sur un prix réglementé du livre. Affiches et autres dépliants habilleront les vitrines, tandis que seront organisés débats, animations, apéritifs, lectures et rencontres pour sensibiliser la population aux enjeux d’une loi soutenue par toute la chaîne du livre ainsi que par des politiciens de tous bords et des personnalités du monde des arts, de la culture et de l’éducation. «Cet instrument de politique culturelle unique favorise la diversité culturelle, soutient la littérature suisse et réduit sensiblement les prix des livres importés», résume l’Association suisse des diffuseurs, éditeurs et libraires dans son communiqué.

Préserver la chaîne du livre

Ce n’est pas autre chose qu’ont répété hier Sami Kanaan et Grégoire Junod, magistrats en charge de la Culture des Villes de Genève et de Lausanne. Lors d’une conférence de presse à la nouvelle Maison de Rousseau et de la littérature à Genève, à laquelle participaient également les éditeurs Ivan Slatkine et Marlyse Pietri, ils ont clairement pris position en faveur de la loi au nom de leur département. Une communication commune qui marque le nouveau dialogue entamé par les magistrats «afin de renforcer la coopération lémanique également dans le domaine culturel», a précisé Sami Kanaan. Grégoire Junod a quant à lui salué la politique du livre «exemplaire» de la Ville de Genève, dont Lausanne compte s’inspirer en développant son soutien à l’édition ainsi que les bourses à l’écriture.

Réglementer le prix du livre en limitant les tabelles de change à 20% maximum – contre parfois 40% aujourd’hui – est «essentiel pour réduire les écarts de prix avec la France et préserver un riche réseau de librairies», a rappelé Grégoire Junod. Il s’agit de trouver un «juste prix, qui permette à la fois de faire vivre la profession et de respecter la spécificité du livre en tant qu’objet économique et culturel». C’est que, depuis le début des années 2000, le réseau des librairies indépendantes a fortement diminué. A Lausanne, on compte aujourd’hui trois librairies contre douze en 2004, a précisé Marlyse Pietri. Autant de points de vente en moins pour les éditeurs et les auteurs suisses: «Cette érosion est démoralisante pour les écrivains et déstabilisante pour nous.»

C’est ainsi l’ensemble de la chaîne du livre qu’ont défendu les magistrats, en cohérence avec leur politique de soutien au livre. «Pour garantir l’accès de la population au livre dans de bonnes conditions, il s’agit d’assurer la diversité et l’offre, a noté Sami Kanaan. Si les librairies continuent de fermer, l’accès au livre sera restreint et notre politique du livre incomplète. On ne peut pas laisser faire le marché dans le domaine.»

Pour rappel, la Comco a cassé l’accord sur les tarifs qui prévalait en Suisse romande jusqu’en 1993 et outre-Sarine jusqu’en 2007. Depuis, et comme dans tous les pays où le marché du livre est dérégulé, les prix ont augmenté, sauf sur quelques best-sellers utilisés comme produit d’appel par les chaînes et les supermarchés. Conséquence: beaucoup de librairies indépendantes ont dû mettre la clé sous la porte. «En trois ans, les Editions Zoé ont perdu 50% de leurs points de vente, raconte Marylse Pietri. Le monde vivant de la chaîne du livre ne peut subsister que si les petites librairies profitent aussi des best-sellers.»

La droite – qui a lancé le référendum en Suisse alémanique – n’est d’ailleurs pas unanime contre le prix réglementé. «La loi est simple, ne coûte rien au contribuable et est adaptée aux quatre cultures de Suisse», résume l’éditeur Ivan Slatkine, député PLR à Genève. «L’idée est que les petits libraires travaillent à armes égales avec les grands groupes et les supermarchés. Migros, qui combat la loi, ne défend ni l’édition régionale ni les livres de fond.»

Pas de cartel

Ivan Slatkine, dont la maison a connu une baisse historique de ses ventes, bat également en brèche l’un des arguments des opposants qui parlent d’un «cartel de diffuseurs étrangers». Slatkine est actionnaire du diffuseur Servidis avec Le Seuil (20% des parts de marché en Suisse romande, 80% pour l’Office du livre et Diffulivres): «Il n’y a aucune entente entre nous.» Servidis a baissé quatre fois ses prix depuis début 2010. «La loi fera baisser les prix, résume l’éditeur. Si elle n’avait pas été combattue par référendum, ils auraient baissé cet été déjà.» I

 

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