GENEVE - Ce soir et demain, le Festival «Son-vision», du collectif Roaratorio, invite des poètes à marier texte, image et mouvement au Théâtre de l'Usine.

 

 

La poésie sonore, fil rouge des activités de l'association Roaratorio, a investi les mondes de l'image et du son avec le développement des nouvelles technologies. Ce sont ces territoires féconds de la poésie contemporaine qu'explore le Festival «Son-vision», organisé par Roaratorio en collaboration avec le Théâtre de l'Usine. Ce soir et demain à Genève, neuf artistes de renommée internationale mélangeront texte, son, image et mouvement, sollicitant tous les sens des spectateurs pour une expérience «stimulante, mais aussi exigeante», estime Heike Fiedler, de Roaratorio.

Tendances

«La poésie contemporaine explore deux tendances principales», explique la programmatrice. La première se concentre sur le son, dans la lignée du travail d'Henri Chopin – fondateur du concept de poésie sonore avec Bernard Heidsieck, décédé en janvier dernier. La seconde tendance est davantage axée sur le texte. «Henri Chopin a pratiquement refusé l'écrit, continue Heike Fiedler. Pour composer, il réalisait des captures de son, et créait des pièces magnifiques en pratiquant le couper/coller. La génération suivante a utilisé les possibilités ouvertes par l'ordinateur: le laptop est devenu son principal instrument. Puis l'image est arrivée, via la webcam et les transmissions d'images en direct pendant la performance – le VJying.»

Les poètes invités à Genève – quatre femmes et cinq hommes – jouent de ces éléments de diverses manières tout en partageant une réflexion sur le corps lui-même, mis en scène dans leurs performances.

Grammaire poétique

Car le mouvement participe aussi du sens, dans cette nouvelle grammaire poétique où la poésie a investi l'espace. Ainsi l'Américano-genevois Steve Buchanan a développé «2nd Life», un tapis électronique qui permet de coupler musique et danse; quant au Genevois Boris Edelstein – organisateur du Mapping Festival –, il manipule l'image en temps réel via le Vjying. Leur projet commun, Rythm Vision, à voir samedi soir, opère une synthèse inédite: un texte se développe sur grand écran, en plusieurs dimensions, au fil d'une performance qui combine les technologies actuelles de l'image et du son à des formes plus anciennes comme le stepdance et des polyrythmies africaines et indiennes.

Les Français Philippe Boisnard et Hortense Gauthier mêlent également présence du corps, production de l'image et du son en direct dans leur HP Process, qui se situe au carrefour entre concert, lecture et art numérique. Un dispositif qui met en tension corps réel et corps virtuel, interrogeant notamment les déterminations sociales, politiques et biologiques du corps féminin – ici «désincarné puis réincarné» dans le verbe et le son.

La provocation n'est pas absente de ces lectures/performances, notamment chez la Bruxelloise Lucille Calmel, qui travaille avec et sur internet: elle n'hésite pas à mettre son corps en jeu – voire en danger – sur scène, explorant l'impact de la langue sur le corps et vice versa.

Influencer la perception

Dans la lignée de la poésie sonore, les explorations sur le son se nichent au coeur des performances poétiques de la Berlinoise Antje Greie (pseudo: AGF) et de l'Autrichien Bruno Pisek. Vocaliste, musicienne électronique et «e-poète», AGF travaille sur les différentes textures de la voix et de la parole. Pisek a étudié la musique électroacoustique et enseigne à l'Ecole de poésie de Vienne: auteur de textes, de films et de pièces radiophoniques, il intègre la dimension acoustique des sons de la voix et du monde.

Autres «lectures» prometteuses: celles de la plasticienne Emmanuelle Bentz, qui vise à «mettre le mot en mouvement», ou de Philippe Castellin dont les «install'actions» explorent des zones frontières de la création contemporaine à travers déplacements et renversements de perspective. Autant de nouvelles formes d'expression qui «vont sans doute influencer les manières d'écrire et de raconter, ainsi que la perception du public», prédit Heike Fiedler. I

 

Ce soir à 20h: Bruno Pisek, Philippe Boisnard & Hortense Gauthier, Lucille Calmel.

Sa 9 février 2008 à 20h: Emmanuelle Bentz, Philippe Castallin, AGF – Antje Greie, Boris Edelstein & Steve Buchanan.

Théâtre de l'Usine, 4 place des Volontaires, Genève. Rens. www.roaratorio.ch