Maisons avec piscine pour un nouveau théâtre

GENEVE - La Comédie reprend pour deux soirs «Mephisto/Rien qu'un acteur» de Mathieu Bertholet, auteur en résidence au Théâtre du Grütli.

 

Hyperactif, Mathieu Bertholet? Installé à Berlin depuis dix ans, le jeune dramaturge d'origine valaisanne fourmille de projets. Alors que sa pièce Méphisto/Rien qu'un acteur, créée par Anne Bisang en janvier 2006, est reprise pour deux soirs à La Comédie, il déploie depuis janvier une énergie créatrice protéiforme dans le cadre de sa résidence au Théâtre du Grütli – il y sera trois mois par an pendant trois ans.

Il apprend à danser avec la chorégraphe Cindy Van Acker, donne des cours d'écriture du lundi au jeudi et, en collaboration avec les trois comédiennes de lecollectif2, présente chaque vendredi soir un nouvel épisode du soap opera théâtral sunset piscine girls: un work in progress qui inspirera l'écriture d'une pièce de théâtre, Case Study House # (CHS#) ainsi qu'un essai sur l'influence de l'architecture sur le théâtre. Rencontre.

L'architecture californienne des années 1950 sous-tend vos projets. Pourquoi cet intérêt?

Mathieu Bertholet: L'architecture m'obsède depuis longtemps: c'est la seule forme artistique omniprésente, et elle est le reflet d'une époque. Un bâtiment, c'est diverses influences – philosophique, sociale, industrielle, artistique – devenues pierre. Le but de ma résidence au Grütli est de chercher de manière expérimentale une réponse à la question: «Qu'est-ce que le théâtre peut apprendre de l'architecture?» Mon idée est d'assimiler des techniques architecturales pour les transformer en techniques théâtrales et d'explorer la manière dont l'architecture influence la scénographie. Au final, j'écrirai un essai sur une nouvelle forme théâtrale, Learning from architecture: the discovered dimension of perfomative forms.

sunset piscine girls a pour cadre les Case Study Houses, ces maisons californiennes imaginées dans les années 1950 avec une ambition humaniste: elles devaient être peu chères, lumineuses, transformables, adaptées à la vie de leurs occupants. Mais à l'époque ces maisons n'ont pas été acceptées par la population.

Comment influencent-elles votre travail?

– Chaque actrice s'est appropriée une maison, et c'est l'architecture qui crée les personnages. On produit à court terme, à la façon des séries télévisées: le lundi, on pose le canevas de l'épisode suivant, on l'écrit jusqu'au mercredi, on répète selon nos disponibilités et on joue vendredi soir. On expérimente divers moyens formels – roman photo, images plus intimistes – tout en restant dans le genre soap opera.

Ces maisons avec piscine m'obligent à tenir compte de l'imagerie hollywoodienne, à convoquer des scènes souvent mythiques du cinéma. D'avril à juillet, je serai à Los Angeles et verrai si les maisons ont influencé leurs habitants, si le mythe correspond à la réalité. L'année prochaine, je produirai donc un travail plus documentaire. L'écriture de CSH# s'inspirera des moyens et des idées mis en oeuvre pendant ces trois ans.

Vous travaillez souvent à partir d'un fonds commun: histoire, mythes, tragédies antiques et, aujourd'hui, références au cinéma hollywoodien...

– Je m'interroge moins sur que raconter que sur comment le dire. Plus le matériau est précis et connu, plus je peux travailler la forme sans m'inquiéter de savoir si l'intrigue est cohérente, suffisamment claire, etc. Je peux donc aller plus en profondeur, écrire de manière plus sensuelle aussi. C'est la structure de mes pièces qui m'intéresse.

La danse est-elle une autre manière d'explorer le rapport du corps à l'espace?

– Ecrire est un travail solitaire et intellectuel, sans rapport au corps ni au groupe. Il me fallait donc engranger différentes expériences pour être capable de mettre en scène CSH# dans trois ans. J'avais envie de me cristalliser sur le corps et j'ai pris des cours de danse avec Cindy Van Acker. La danse est aussi un état d'esprit, dans lequel je me suis mis d'emblée. Ça a été une vraie découverte. 

http://www.lecourrier.ch/maisons_avec_piscine_pour_un_nouveau_theatre

 

 > Ve 9 et sa 10 mars 2007 à 20h, Mephisto/Rien qu'un acteur de Mathieu Bertholet, mise en scène Anne Bisang, La Comédie, 6 bd des Philosophes, Genève. Rés. tél: 022 320 50 01. Ce soir après la représentation, Mathieu Bertholet dédicace Rien qu'un acteur suivi de Farben (Actes Sud 2006).

> Tous les vendredis à 19h, soap sunset piscine girls, Théâtre du Grütli, 16 rue du Général-Dufour, Genève. Rés: tél: 022 328 98 78.

 

> Sa 10 mars à 19h, solo de danse de Mathieu Bertholet, Théâtre du Grütli.

 

> Du lundi au jeudi, Mathieu Bertholet donne des cours d'écriture. Rens. et rés: tél: 022 328 98 68, www.grutli.ch