Femme et artiste, dangereuse équation

Laure Adler et Camille Viéville brossent le portrait d’une cinquantaine de créatrices, de la Renaissance à nos jours, dans un beau livre qui leur rend justice.

Les génies au féminin sont rares. «Quelle artiste femme peut se comparer à Michel-Ange, Rembrandt, Goya ou Picasso? Institutionnellement et politiquement, elles n’auraient pu y parvenir, quel que soit leur talent», écrivent Laure Adler et Camille Viéville dans leur introduction à Les Femmes artistes sont dangereuses. C’est que, «du plus loin qu’on s’en souvienne, l’histoire de l’art a été pensée, écrite, publiée, transmise par des hommes à destination d’un public majoritairement masculin».

Les auteures françaises s’attachent dès lors à mettre en lumière les femmes qui ont marqué leur art. Dangereuses? En effet. Celles qui ont osé défier l’ordre «naturel», les assignant à leurs facultés de reproductrices et de gardiennes du foyer, pour se projeter à l’extérieur et enfanter la vision d’un monde, ont subverti l’ordre symbolique et semé la révolte. Pas étonnant que ces éléments perturbateurs aient souvent été relégués dans les marges – de la société comme de l’histoire.

Les Femmes artistes sont dangereuses brosse une cinquantaine de portraits de créatrices majeures, de la Renaissance à nos jours. Ici avec l’historienne de l’art Camille Viéville, Laure Adler poursuit ainsi sa réécriture d’une histoire culturelle tronquée, après ses best-sellers Les Femmes qui écrivent vivent dangereusement (2007) ou Les Femmes qui lisent sont dangereuses (2006).

Comme les précédents, ce dernier opus revendique des choix subjectifs, et présente chaque artiste sur une double page illustrée qui va à l’essentiel. De Sofonisba Anguissola et Artemisia Gentileschi, au XVIe siècle, aux jeunes Françaises Camille Henrot et Lola González, en passant par Sonia Delaunay, Berthe Morisot, Meret Oppenheim, Frida Kahlo, Louise Bourgois, Niki de Saint Phalle, Yoko Ono ou Sophie Calle… une traversée chronologique éclairante de l’imaginaire féminin. Ceci alors que l’heure est à la reconnaissance, se réjouissent les auteures.

 

Laure Adler et Camille Viéville, Les Femmes artistes sont dangereuses, Ed. Flammarion, 2018, 159 pp.

 

https://lecourrier.ch/2019/01/31/femme-et-artiste-dangereuse-equation/