Heureux sans enfants

Loin des clichés, seize auteurs américains témoignent de leur choix de ne pas avoir d’enfants dans des textes sensibles et très personnels.

 C’est un sujet souvent tabou, dont se sont emparés avec franchise, humour et sensibilité seize écrivains américains, sollicités par leur consœur Meghan Daum: le choix de ne pas avoir d’enfants. Toujours personnels, souvent drôles, parfois politiques, ces courageux essais autobiographiques retracent le cheminement qui les a menés à cette décision, esquissant, loin des clichés, autant de façons d’être non parent que de l’être. Les auteurs racontent des enfances pas toujours roses, des relations compliquées, un choix qui s’est précisé au fil des ans ou au contraire a toujours été évident, ils sondent leur ressenti, leurs peurs et leurs désirs, tentent de démêler ce qui leur appartient des attentes sociales. Bref, Ils vécurent heureux et n’eurent pas d’enfants séduit par l’authenticité des témoignages autant que par leur diversité.

Parce qu’ils se situent à contre-courant des attentes sociales, tous ont subi des pressions, ont dû s’expliquer et se justifier – surtout les femmes, d’ailleurs plus nombreuses dans le recueil, de Lionel Schriver à Courtney Hodell, de Sigrid Nunez à Rosemary Mahoney. Conséquence: ils ont réellement réfléchi à ce qu’était un enfant et à la responsabilité de donner la vie.

«J’ai compris la force de la réalité qui vient avec le fait d’endosser ce rôle [de parent], la vie domestique, la platitude du quotidien», écrit dans sa préface l’auteure française Julia Kerninon, traductrice du livre. Profondément marquée par ces textes, lus à une période clé, elle a du coup choisi d’avoir un enfant et d’écrire, raconte-t-elle. Car les signataires sont tous des écrivains, soucieux de leur temps libre et de solitude, résignés à l’incertitude financière.

Alors, avoir un enfant ou écrire? De fait, jamais l’équation ne s’est posée pour eux en ces termes. Les raisons de leur choix ont des racines bien plus profondes, et l’honnêteté de leurs réflexions fait le sel du recueil. De manière vivante, ces essais posent aussi avec clarté la question de la place des mères dans nos sociétés, et particulièrement de celles qui travaillent. Un apport original à un débat salutaire.

 

Collectif dirigé par Meghan Daum, Ils furent heureux et n’eurent pas d’enfants, tr. de l’anglais par Julia Kerninon, Ed. Kero, 2019, 302 pp.

 

https://lecourrier.ch/2019/01/31/heureux-sans-enfants/