D’un pays lointain

Davantage qu’un recueil de récits de voyage, "Vers les confins", de David Collin, explore aussi les territoires intimes.

 

«Ecrire est un voyage dont on ne connaît pas avec certitude le commencement», note David Collin, auteur de deux romans et journaliste à la RTS. Et, un peu plus loin: «Le voyage nous invite à un déplacement de soi, qui en retour permet de se déplacer en soi, et de retrouver cet inconnu dont nous avions oublié l’existence.» Vers les confins se situe dans cette tension entre géographie intime et espaces bien réels, intériorité et confrontation au monde: le voyage comme l’écriture invitent à arpenter des territoires, à dépasser des frontières, à transgresser, peut-être, certaines limites – de soi comme du réel.

Sous-titré «Voyages, dérives, épiphanies», le recueil rassemble une quinzaine de récits publiés dans des revues et des ouvrages collectifs. On suit David Collin de l’Inde à la Chine, de l’Espagne au Rwanda, l’auteur entrelaçant dans un dialogue fécond souvenirs marquants et réflexions. Ses déambulations sont en effet prétextes à méditations, quand une rencontre, un paysage ou un choc se répercutent durablement en lui. On y croise ainsi des villes étonnantes et des géographies rêvées, les fantômes de l’histoire et les auteurs aimés – la littérature n’est-elle pas un autre ailleurs? Nicolas Bouvier y côtoie Ernest Mignatte, Victor Segalen fait écho à Enrique Vila-Matas, et Borges à Rousseau, autre rêveur solitaire.

La route éveille, révèle. Vers les confins est placé sous le signe des épiphanies, ces «illuminations profanes» dont parlait Walter Benjamin: soudain, «il se passe quelque chose, et l’écriture en retrouve l’épaisseur (…), cherche un langage pour dire, nommer les faits». Dans «Marché lointain», David Collin raconte précisément un de ces moments de grâce, quelques secondes suspendues dans le silence et l’immobilité: le monde s’arrête soudain, trajectoires physique et intérieure se confondent. «Ivresse, perte d’équilibre», note-t-il. Ce point zéro est celui d’un basculement. Le périple n’est pas seulement horizontal: au-delà du récit de voyage et de ses péripéties très concrètes et pleines de vie, David Collin explore aussi bien les espaces du dedans, une verticalité reçue comme un cadeau.

 

David Collin, Vers les confins. Voyages, dérives, épiphanies, Ed. Hippocampe, 2018, 150 pp.

https://lecourrier.ch/2018/03/16/dun-pays-lointain/