Spleen doux-amer

 

 

La jeune auteure romande publie avec "Erasmus" son premier recueil de nouvelles, six récits drôles et cruels.

 

 

 

 

On avait aimé La Belle Epoque, minuscule opus paru aux Editions Paulette: un récit porté par le point de vue irrévérencieux d’une fillette, écho d’un monde en guerre qui faisait dérailler les relations. Née en 1989 à Vevey et membre de l’AJAR, Elodie Glerum publie aujourd’hui son premier recueil de nouvelles – après quelques textes en revue et plusieurs prix littéraires.

 

 

Elle trempe sa plume dans des sentiments complexes, ambivalents, souvent teintés de mélancolie. Fin de l’enfance, rêves déçus, difficulté à trouver sa place dans le monde ou dans un groupe sont autant de situations inconfortables qu’elle dépeint d’une écriture vive mêlant humour, empathie et cruauté.

 

 

La «méthode suisse», du nom du premier récit, c’est l’attitude neutre et consensuelle que prend le protagoniste face à Ogre, son insupportable colocataire, bourrée de règles et de préjugés. Et notamment sur les Suisses, que le jeune homme conforte malgré lui en mettant sur sa colère le couvercle d’une apparente soumission. Ce récit drôle et irritant contraste avec le plus sombre «Le revenant» – où un prof d’allemand en rémission après un cancer ne se sent pas le bienvenu auprès de ses élèves, séduits par son jeune remplaçant.

 

 

Plus loin, il y a cette sœur qui envie son aînée si parfaite (belle, comédienne à succès, elle a pourtant ses failles); cette danseuse trentenaire qui doit se reconvertir et rencontre un banquier, avec lequel elle vivra, aux quatre coins du monde, quelques moments aussi intenses qu’illusoires; ou encore ce camarade ennuyeux qui s’est incrusté dans un voyage Airbnb à Venise – à cause de lui, c’est sûr, jamais les copains ne pourront entrer au Demenzia, une «boîte post-humaine itinérante»…

 

 

Dans «Ysbwriel» enfin («poubelle» en gallois!), le personnage se morfond en séjour Erasmus dans un trou perdu du pays de Galles. Entre quotidien ennuyeux et morne avenir, reste sa fascination pour Jane Eyre et la famille Brontë, source d’une lumineuse rencontre au pub.

 

 

Au fil de ces six récits piquants, à travers une mosaïque de voix souvent étonnantes, Elodie Glerum brosse ainsi le portrait doux-amer d’une génération.

 

 

 

Elodie Glerum, Erasmus, Ed. d’autre part, 2018, 155 pp.

 

 https://lecourrier.ch/2018/03/29/spleen-doux-amer/