Chronique d’une utopie
Grand Prix suisse de littérature pour l'ensemble de son oeuvre, la romancière s'intéresse ici à un projet de vie collective dans un ancien Carmel.
C’est un lieu littéralement extraordinaire que nous fait découvrir Pascale Kramer dans son dernier livre, Chronique d'un lieu en partage. Récompensée cette année par le Prix fédéral de littérature pour l’ensemble de son œuvre, l’auteure romande établie à Paris délaisse ici le genre romanesque, où elle excelle, pour livrer la chronique d’une utopie: celle de l’Ancien Carmel de Condom, au cœur de la Gascogne, où vivent sous le même toit retraités, sans-abri, artistes, anciens détenus, jardiniers biologiques itinérants et pèlerins sur le chemin de Compostelle...
Cette expérience rare de mixité sociale est née d’une impulsion d’Olivier Laffon, promoteur immobilier qui s’est enrichi en construisant des centres commerciaux avant de consacrer ses ressources à des projets qui fassent sens à ses yeux: depuis 2005, il propose des lieux à loyers modérés aux associations, entrepreneurs sociaux et autres porteurs de projets d’intérêt général ou d’utilité publique. L’achat de l’ancien Carmel va lui permettre de réaliser un projet qui lui tient à cœur: créer une «communauté laïque et fraternelle», composée de personnes souffrant de solitude et d’adultes en quête d’un lieu de vie collectif.
C’est la naissance et le développement de ce projet que restitue Pascale Kramer, dans un texte qui donne largement la parole à ses acteurs. Avec la sensibilité qu’on lui connaît, elle raconte ce laboratoire d’une autre manière de vivre ensemble sans occulter ses difficultés: gestion des tensions du quotidien, difficultés financières, défis de l’autogestion, culture du partage et du don à inventer, à découvrir…
Mais si le chemin n’est pas sans heurts, c’est aussi ce qui lui donne sa force, et sa réalité. Car l’utopie s’est incarnée. Avec ses réussites et ses difficultés, elle montre que vivre un quotidien qui fasse sens est un acte, à réinventer chaque jour.
Pascale Kramer, Chronique d’un lieu en partage, Ed. de l’Atelier, 2017, 157 pp.