Entre haut et bas

Le premier roman d'Ivan Salamanca agence trois récits poétiques, trois voix entre plaine et montagne.

En 2010, la Fondation Edouard et Maurice Sandoz prenait le risque de décerner son Prix FEMS au projet d’un jeune homme qui n’avait encore jamais publié. Six ans après, le ­Genevois Ivan Salamanca livre En Etat de luire, un beau récit en trois parties qui se complètent et s’éclairent. Agencé en courtes proses, le triptyque est porté par trois «je» différents dont la parole sensible et chaque fois singulière distribue les pièces du puzzle.

«J’avais marché dans les lueurs chaudes sous les danses des oiseaux, sous les pirouettes de l’air qui, déjà, avait fait son travail: la rosée ne perlait plus, elle était dispersée là-haut, quelque part dans l’or bleu.» Ainsi s’ouvre «Ondées», où un jeune homme quitte la ville pour s’installer dans un hameau perché: il fabrique des tuiles, chemine par les sentes (mot qui revient de manière un peu répétitive), se lie d’amitié avec Paul, simple d’esprit, et Pépé, seul dans sa cabane. «Les petits éboulements» laisse la place à ce dernier, à son regard sur ce jeune citadin finalement reparti, auquel il rendra visite. Enfin, c’est l’amoureuse qui parle dans «Et te dire je t’aime»: elle attend un enfant et rejoindra le jeune homme tiraillé entre la plaine et la montagne.

Sensuelle et poétique, la langue d’Ivan Salamanca est attentive à une dimension plus vaste de l’être, à ses liens à ce qui le dépasse, le ciel, la terre, la poésie. Son champ sémantique accueille les étoiles et l’argile, la lumière, les arbres, le corps, une attention vive aux sens et à la beauté du monde sous les auspices revendiqués de Pierre Michon. Sa prose belle et exigeante gagnerait pourtant parfois à un peu plus de simplicité, un bémol finalement compensé par une vision ample et ambitieuse. 

Ivan Salamanca, En Etat de luire, Ed. Infolio, 2016, 230 pp.

 

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