Drôlerie des vies ordinaires

On l’a entendu au sein du collectif Bern ist überall dire d’un ton pince-sans-rire ses textes incisifs et susciter l’hilarité du public. C’est le même rire qui jaillit à la lecture de Country, recueil de ces textes écrits pour la scène paru aux Editions d’autre part.

Antoine Jaccoud a le don de saisir le comique des situations les plus banales, de montrer l’envers de ces petites phrases qui fleurent le bon sens, d’éclairer l’air de rien la violence ou la bêtise des a priori qui nous fondent. Observateur attentif, il brosse un portrait affûté de ceux qui l’entourent – ses voisins, un DJ à la retraite, le type du sex-shop, un couple qui part en vacances – et capte en quelques mots l’essence de certains comportements, comme le triomphe des véganes, le racisme ordinaire, les selfies, les aléas de la démocratie directe ou l’angoisse des prix littéraires. «Country»? Le titre fait référence à cinq monologues où des personnages trouvent une identité dans le mythe de l’Ouest américain. «Tu te demandes pourquoi la Dodge, les bottes, la coupe mulet et tout ça? C’est parce qu’on est des cow-boys. On est des têtes de lard. On n’est pas dans le troupeau, non, nous on va plutôt contre. On est des rebelles. On est des indomptables. On est des hommes libres, on pourrait ajouter, même si ça fait un peu gonflé de dire ça.»

C’est ainsi avec finesse, avec tendresse, que l’écrivain lausannois, également homme de théâtre et scénariste (Prix d’honneur des 51e Journées de Soleure cet hiver), épingle nos failles et nos ridicules. Il n’hésite pas, d’ailleurs, à se moquer de lui-même. Et si l’on rit avec lui, c’est bien parce qu’on se reconnaît dans le miroir qu’il nous tend.

 

Antoine Jaccoud, Country, Ed. d’autre part, 2016, 107 pp.

http://www.lecourrier.ch/140078/drolerie_des_vies_ordinaires