Fragments des jours

Délicieusement ironique, empreint d’autodérision, le titre donne le ton: après ses premières Fausses notes en 2010, François Debluë en livre de nouvelles, teintées d’une douce impertinence où se mêlent tendresse et irrévérence, où l’humour n’empêche pas la profondeur.

 

Au fil de fragments tantôt lapidaires, tantôt articulés en brèves scènes, il saisit au vol les saillies du quotidien, les rencontres, souvenirs et anecdotes, tout ce qui le trouble ou l’émeut, le surprend, l’interroge. Et si son regard acéré épingle les travers du jeu social, il ne cache ni ses doutes ni ses faiblesses, dans un exercice d’humilité qui fonde ­l’éthique de sa posture. Rien de moralisateur, donc, dans ces maximes. Il s’agit finalement, ici aussi, de trouver cette «zone d’équilibre instable où vivre demeure non seulement possible mais passionnant».

Cet équilibre est encore celui qui lie les fragments du recueil. Prosateur et poète, François Debluë excelle dans la forme courte, chargée ici d’une densité poétique où le sens vibre en une ligne, un ­paragraphe, mais aussi entre ceux-ci, dans la circulation même entre les notes. Des «fausses notes» loin de sonner faux, donc, qui pointent peut-être les désaccords et les grincements des jours, mais traquent de fait toute la gamme des émotions humaines, en quête aussi bien ­d’accords et d’harmonie. Car les échos de l’amour les traversent: il est ce qui compte, ce qui demeure face à «l’infinie solitude». Filiations et amitiés sont les liens essentiels. «Amour: totale simplicité. Tout ce qui se complique est éloignement de l’amour.» A savourer.

FRANÇOIS DEBLUË, NOUVELLES FAUSSES NOTES, L’AGE D’HOMME, 2016, 272 PP.

 

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