Infinies terres d'errance

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«A dix-sept ans, c’est bien le moment d’être fou, on a pas froid aux yeux», écrit José Gsell.

 

C’est qu’il faut «faire le fou pour ne pas se rendre fou». On pense à Arthur Rimbaud, à son fameux «on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans». Audacieux parallèle? Pas tant que ça. De Poussière d’alcool de sueur, premier livre de l’auteur biennois, vibre d’une tension poétique souvent flamboyante, faite de fulgurances et de liberté, celles de la langue en écho à une quête existentielle sans concession.
Le narrateur de ce collage de proses et de poèmes prend la tangente pour fuir un monde aliénant, ses mirages et son ennui, et retrouver en soi ce qui vibre, ce qui fait sens. Eloge de l’amitié et du voyage, de la marche et de la solitude, fréquentations des grands auteurs, excès éthyliques, il explore les extrêmes et les profondeurs dans l’idée de se perdre pour mieux se trouver. «Petit homme tu as lu / Pour essayer de trouver des balises dans les mots / Et tu as découvert le mot errance / Et l’errance est devenue pour toi un lieu à part entière», lit-on dans l’un des poèmes qui scandent le volume. C’est donc ce territoire mouvant, ouvert, inépuisable, que creuse avec exigence De Poussière d’alcool de sueur, dans des lignes où violence et ­sensibilité sont intimement mêlées.
Sur une crête enneigée, avec des amis en montagne pour entendre le brame du cerf ou en quête de lieux déserts en Norvège, son narrateur recherche la solitude, le vide, l’espace. Les expériences ­extrêmes – froid, tempêtes, neige, ivresse, colère, beauté des paysages, deuil – aiguisent les sensations vives, confrontent à ce noyau en soi, sculptent une présence forte à l’instant. Le texte a des accents autobiographiques – comme son narrateur, l’auteur vit dans un squat de Bienne et partage son temps entre écriture, voyages et jobs alimentaires. Après avoir arrêté ses études et passé quelques années à écrire au jour le jour, José Gsell a suivi un cursus de bachelor à l’Institut littéraire suisse, indique son éditeur. De fait, son texte allie le souffle de la révolte et d’une quête infinie à une véritable conscience littéraire, à un sens du rythme et des images – malgré quelques rares facilités.
Les Editions Torticolis et Frères publient en parallèle Wanderlust d’Antoine Rubin, autre premier livre percutant où l’auteur s’inspire de ses expériences de vie alternative et de voyages aventureux. Les deux jeunes écrivains donneront une performance autour de leurs textes samedi 20 février à l’Espace culturel du Café du Soleil, à Saignelégier, où ils animeront également des ateliers d’écriture du 9 mars au 15 juin.

 

 

 

José Gsell, De Poussière d’alcool de sueur,  Ed. Torticolis et Frères, 2016, 221 pp.
Sa 20 février à 21h, lecture-performance de José Gsell et Antoine Rubin à l’Espace culturel du Café du Soleil, Saignelégier. www.cafe-du-soleil.ch, tél. 032 951 16 84.