La raclée au soleil

Une voix traverse Le Fort de l’Ermitage, recueil de Patrice Duret qui vient de paraître aux Editions Le Miel de l’Ours – on retrouve avec plaisir le petit format de l’éditeur de poésie genevois, son impression soignée, dans ce volume illustré par deux dessins de l’auteur. Une voix, donc, ou plutôt son attente, celle d’une présence qui résonnerait au milieu d’une nature vaste et incarnée. Voix du ciel ou voix des entrailles, douce et violente, à la fois appel et attente: celui qui parle est tiraillé entre les extrêmes comme entre ciel et terre. Pour le dire, Patrice Duret joue de la tension et de l’apaisement dans des sonnets au rythme parfois haletant. «Je n’attends pas de miracle / d’ailleurs je n’attends rien / sauf que / la nostalgie est sournoise. / Alors je regarde la lumière / bien droit dans mes bottes / je regarde debout la lumière / comme il faut dans les yeux.»

En contrepoint, en italiques, la page de gauche déroule une adresse amoureuse – envers une femme, la voix, le monde? – où les images s’ancrent avec douceur dans une dimension terrienne, matérielle. Ici «les taureaux envoient la raclée au soleil». A nouveau la forêt, les animaux, l’herbe, les corps, comme les jalons d’une méditation solitaire et reliée. Le Fort de l’Ermitage séduit par ce dialogue entre différents registres de l’expérience, par son éloquente simplicité, par l’espace qu’ouvre ainsi Patrice Duret.  

 

PATRICE DURET, LE FORT DE L’ERMITAGE, ÉD. LE MIEL DE L’OURS, 2012, 43 PP.

http://www.lecourrier.ch/100457/la_raclee_au_soleil