Trio tragique au Québec

Après Au point d’effusion des égouts l’an dernier, Quentin Mouron publie son deuxième roman, le bref Notre-Dame-de-la-Merci. Né à Lausanne en 1989, le jeune auteur a vécu au Québec avant de revenir en Suisse, où il suit des études de lettres. Ses deux opus prennent pour cadre les grands espaces américains et ont reçu un accueil chaleureux: la presse a unanimement salué son style haché, son sens de l’observation pour dire les solitudes contemporaines, et le critique Jean-Louis Kuffer signe même la postface de ce dernier roman.

Notre-Dame-de-la-Merci, c’est le nom du village québécois où se déroule ce huis clos tragique sur fond de neige sale et de sécheresse des cœurs. Car Daniel, fragile colosse, est bien le seul personnage à aimer: il rêve de partir avec Odette et d’échapper à son quotidien morne. Elle l’utilise sans vergogne pour son trafic de drogue mais se dit amoureuse de Jean, petite frappe locale qui prévoit de gagner le Mexique avec une autre. Le roman s’ouvre sur le suicide du père de Jean, qui le laisse indifférent. Dans ce décor glacé, où la misère sociale et affective est criante, chacun cherche dans la violence une porte de sortie. Ainsi Odette, qui tente de manipuler Daniel pour qu’il tue Jean, et finit par jouir en l’imaginant mort: «Le plaisir dure. Enfin. Il s’installe. Les minutes. Son ciel en plâtre qui se constelle. D’étoiles en toc. D’ersatz de mort. Prêt à crouler.»

Le tout est raconté par un narrateur extérieur à l’action mais qui connaît les personnages: son regard sur le drame, à la fois lucide et empathique, diffuse une tristesse sourde et crée une distance nécessaire. Malheureusement, les protagonistes restent unidimensionnels et l’intensité du tragique confine souvent à l’exagération, Quentin Mouron n’évitant du coup pas toujours le risque du cliché. Qu’elle nous touche ou non, reste à reconnaître une voix sûre et attachante dans ces phrases courtes, ce rythme haletant qui saccade la lecture, ces mots qui se télescopent parfois avec fulgurance.

 

QUENTIN MOURON, NOTRE-DAME-DE-LA-MERCI, ED. OLIVIER MORATTEL, 110 PP.

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