Délires à L.A.

Vous vous souvenez peut-être du Livre de Dave, récit d’anticipation paranoïaque où un chauffeur de taxi londonien, loser pathétique, devenait le Messie d’une humanité infantile et archaïque, son journal ayant été découvert après la fin du monde. Will Self, écrivain anglais disciple de J.G. Ballard, continue son exploration des gouffres et de la folie sous toutes ses formes dans Le Piéton de Hollywood. Ici, un auteur anglais se lance à la poursuite d’un meurtrier. La victime? Le cinéma. Il se rend donc sur le lieu du crime, Los Angeles. Si le cinéma n’existe plus, Hollywood demeure l’usine à rêve qui domine les esprits, et Self en profite pour revisiter les grands classiques, du film noir à la théorie du complot.

Divisé en trois parties qui fonctionnent en réseau, semé de photos, le roman tout entier semble en proie à une fièvre délirante tandis qu’on suit les traces de l’anti-héros, double fictif de l’auteur. Entre paranoïa et hallucinations, ce piéton obstiné, écrivain dépressif et suicidaire obsédé par les nains, croise diverses apparitions au fil de son errance – Salman Rushdie, James Bond, Orson Wells ou Bret Easton Ellis. Où la folie – troubles obsessionnels compulsifs, psychose et Alzheimer, selon les parties – apparaît au final comme un trouble collectif. Style et propos du Piéton de Hollywood collent au projet de Will Self: extravagants, illogiques, oniriques, décousus, déraisonnables, ils ébranlent les bases de la réalité communément admise et questionnent la notion d’identité. Mais si le roman se révèle bourré d’imagination et aussi hilarant qu’inquiétant, il perd un peu son lecteur en cours de route.

 

WILL SELF, LE PIETON DE HOLLYWOOD, TR. DE L’ANGLAIS PAR FRANCIS KERLINE, ED. DE L’OLIVIER, 2012, 411 PP.

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