L’Algérie, revanche d’enfance

C’est un roman ambitieux, qui couvre plusieurs décennies de la vie de Gaudence Maréchal. Orphelin de mère et bâtard, élevé par son grand-père et sa tante dans un petit village au pied du Jura français, il a 23 ans quand il débarque à Alger en 1872. Pour compenser la perte de l’Alsace et de la Lorraine, tombées aux mains des Allemands, la France donne alors à ses ressortissants des terres en Algérie. Attiré par l’aventure, le jeune Gaudence sera engagé  dans une exploitation agricole et passera sa vie à tirer des richesses de cette terre promise où Kabyles, Arabes, Français et Juifs cohabitent sans se mélanger. L’auteure franco-suisse Sylvaine Marguier plonge à la source de la colonisation française en Algérie, dans ce récit où le trajet d’une vie éclaire une époque. Car c’est le vieux Gaudence qui parle, se souvenant au soir de sa vie des joies, des peines et des rencontres de son existence.

Les Hommes s’appellent Mohamed s’ouvre de manière prometteuse, porté par une voix puissante où sourd la révolte et le rêve. «Demain, j’ai cinq ans. J’en ai la fièvre. J’ai cru que ce jour n’arriverait jamais.» L’écriture est rapide, inquiète, pour dire les dialogues de l’enfant avec sa mère défunte, évoquer des personnages hauts en couleur et les premières expériences du jeune homme. Au fil du roman pourtant, elle perd de sa force, le récit se contentant d’aligner chronologiquement les péripéties. Dommage. On regrettera aussi les inutiles notes en bas de page. Reste l’intérêt historique de ce troisième roman de Sylvaine Marguier – lauréate du Prix Georges-Nicole 1997 pour Le Mensonge –, très bien documenté et clos par une riche bibliographie.

 

SYLVAINE MARGUIER, LES HOMMES S’APPELLENT MOHAMED, ED. BERNARD CAMPICHE, 2012, 275 PP.

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