Puzzle troublant

Elle donne la parole à une vaste palette de personnages. Certains, comme la voisine Geneviève qui pourtant ouvre les feux, n’apparaissent qu’une fois; d’autres deviennent le centre d’attraction de ce roman kaléidoscopique où le tourbillon des points de vue dessine peu à peu un cercle autour de Marie et de son frère Vital. Après Rabenstrasse 5 et les nouvelles de L’Etang (toujours chez Metropolis), la Genevoise Mathilde Fontanet revient au roman avec ce Décembre polyphonique, qui dévoile secrets et faux-semblants1. Dans un laps de temps situé entre le 3 et le 29 décembre 2011, ceux-ci seront mis à jour, les non-dits révélés, les crises traversées.

C’est donc au fil des bribes de récit rapportées par chacun qu’on découvre ce qui sous-tend les liens entre les protagonistes. Car le propre des secrets de famille, c’est qu’ils définissent les relations de manière souterraine, inconsciente, pesant de leur poids clandestin. Pourquoi Vital est-il aussi hautain et sûr de lui, incapable de chaleur et d’affection? Il semble mépriser Michel, le compagnon de sa sœur, alors qu’il était son élève et ami. Et Marie à son tour s’éloigne de son amoureux... Enfin, quelle est l’étrange relation qui liait Vital au père de Térence, son ami d’enfance, lui-même ignoré par ce père? Autant de questions qui seront éclairées progressivement, tandis qu’Eve la «malaimable» et sa sœur Jeanne, collectionneuse d’amours malheureuses, intercalent leurs voix en contrepoint.

Si les révélations sont forcément tragiques – inceste, abus, suicide –, le ton du récit n’est jamais pesant et Décembre s’achève sur une lumière, l’espoir d’une renaissance. Enfin, le propos a beau ne pas être d’une folle originalité, le roman se lit avec plaisir, ces subjectivités sincères ne manquant pas de charme.

 

MATHILDE FONTANET, DECEMBRE, ED. METROPOLIS, 2013, 246 PP.

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