Macabre chorégraphie

Sirius? C’est l’étoile principale de la constellation du Grand Chien, la plus brillante du ciel après le soleil. C’est aussi cet astre que  pensaient rejoindre les adeptes de la secte de l’Ordre du Temple solaire. Un «transit» qui a causé la mort de 74 d’entre eux, dont des enfants, lors de trois massacres survenus entre 1994 et 1997 en Suisse, en France et au Canada. Suicides collectifs ou assassinats? La question n’est toujours pas résolue, alors qu’on célébrera le 5 octobre les 20 ans de la mort de 25 personnes à Salvan, en Valais, et 23 à Cheiry, dans le canton de Fribourg. Marqué par cette affaire, Pierre Fankhauser revient sur les faits dans un premier roman sombre et très construit.

Sirius entrelace des «Rapports d’enquête» factuels sur les événements avec la description des mouvements d’une jeune danseuse, vue par un narrateur qui la tutoie; on comprend que le même écrit des articles critiques admiratifs sur ce langage gestuel, tandis qu’il retranscrit certains de leurs dialogues, où la jeune femme raconte sa maladie dans une oralité crue. A ces chapitres s’ajoutent des missives de «l’Association» (la secte), à laquelle la jeune femme appartient. Le critique devine les blessures cachées dans ses pièces sans concessions, tandis qu’aux «rapports» succède une «contre-enquête» qui met en doute la thèse du suicide collectif. On apprendra aussi, dans un autre article de presse, que le dirigeant de l’Ordre n’est autre qu’un grand chorégraphe. Enfin, «Celle qui danse» prendra la parole dans des textes ésotériques pour dire son acceptation du «Transit», ultime chorégraphie...

Pierre Fankhauser agence avec soin ces différents registres qui développent en parallèle leur logique propre, des règles internes qu’on ne peut que deviner. Face à une démarche qui aurait gagné à être moins conceptuelle et plus incarnée, reste au lecteur à se laisser porter par son intuition et s’ouvrir au jeu des échos, ou au contraire à essayer d’enquêter lui-même sur ce roman qui semble truffé d’indices...    

 

PIERRE FANKHAUSER, SIRIUS, BSN PRESS ÉD., 2014, 129 PP.

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