Inachevée, vivante

Pierrine Poget
Critique du 16/05/2024 par Alice Bottarelli

C’est par référence aux arts visuels, figuratifs ou abstraits, que l’on voudrait décrire ce livre, et l’expérience qu’il propose. Quelques jours, quelques semaines après l’avoir parcouru, attentivement, tendrement, difficile d’en raconter le contenu, d’en dégager une trame. Les fils narratifs s’entremêlent et ce n’est pas à une histoire qu’il faut s’accrocher, car bien d’autres impressions fortes se sont ancrées ailleurs dans la mémoire et dans le corps, surtout des visions, d’impérieuses images-mirages, des chatoiements qui rejaillissent lorsqu’on reprend le livre en main, persistances rétiniennes comme après avoir regardé trop longtemps le soleil en face.

Avec Inachevée, vivante, Pierrine Poget propose une expérience du corps, féminin mais aussi universel, dans la minutie et le trouble des sensations traversées durant une vie d’adulte. L’ouvrage commence par un abus, une aliénation, une nudité démunie – d’où il faut réémerger, avec l’aide des années, des amitiés, de la réflexion. La réflexion surgit grâce à une note retrouvée, rappelant le souvenir d’un son, dépliant un autre espace-temps (Paris en 1989), ramenant à la mémoire cette citation de Deleuze sur la tristesse qui survient « lorsque je suis séparé d’une puissance » … Ce vertige des couches mémorielles, de la superposition des mondes qui ploient les uns par-dessus les autres, se déploient les uns sous les autres, le texte le rend possible en s’appuyant sur de multiples supports génériques et en jouant des opportunités créatives offertes par le collage. « Le son est un gardien du temps et de la coïncidence », nous dit une fois la narratrice. Et plus tard : « Je suis devenue mère à mon tour et c’est la peinture – notamment elle, et d’autres images aussi – qui m’a fait comprendre ce que cet était faisait à ma vie, dans quelle position il me plaçait ou tendait irrésistiblement à le faire. »

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Critique

Vous, les ancêtres

Bessora

Critique du 06/05/2024 par Ursula Bähler

Le 13 mai 1667, quelque part en Cornouailles, Abigaïl Welsh, « vierge depuis vingt-six ans et trois mois », découvre un « énorme couffin » transportant un nourrisson : « cette poubelle navigable rassemble une loutre, un oisillon mort, des restes de langes végétaux, une pâte de selles mêlées d’urine, l’enfant et une fleur puante, qui se love dans son cou » (9). Abandonné à un fleuve par sa mère, une fille de « treize ou quatorze ans » aux « cheveux rouges » et aux « yeux jaunes », accusée d’avoir « couché avec le diable », d’être une sorcière, donc, et qui mourra peu après des séquelles de son accouchement, l’enfant sera adopté par Abigaïl, et baptisé du nom de Jane. C’est à partir de cette scène initiale que se déploiera la trame dense et vertigineuse du nouveau roman de Bessora, couronné du Prix suisse de littérature 2024 et du Prix Ahmadou Kourouma 2024, premier tome de La Dynastie des boiteux dont ont déjà paru, en 2018, Zoonomia et Citizen Narcisse, respectivement les tomes III et IV d’une tétralogie qui se construit de manière non linéaire.

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Approfondissement

Viceversa ist Finalistin für den Föderalismuspreis 2024

Approfondissement du 07.05.2024 par Communiqué de presse Fondation ch

Viceversa Littérature est finaliste du Prix du fédéralisme 2024

Les 48 candidatures au Prix du fédéralisme 2024 témoignent, comme le souligne la Fondation ch, d’une grande diversité et d’une volonté vivante d’entente. Le quadrilinguisme - ou multilinguisme - est, avec le fédéralisme et la démocratie directe, un des piliers de notre pays dans lesquels les gens se reconnaissent. C’est pourquoi les langues sont au cœur de nombreuses contributions. Le jury a sélectionné quatre organisations pour la liste des finalistes.

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Approfondissements
Viceversa 18 «Von Kopf bis Fuss - De la tête aux pieds - Dalla testa ai piedi»
Editorial - Éditorial - Editoriale
Approfondissement du 06.05.2024 par Ruth Gantert, Claudine Gaetzi, Natalia Proserpi

Quand le corps se met à parler, il ne ment pas. Mais comment parle-t-il et que nous dit-il ? Qu’ont à dire du corps celles et ceux qui ont contribué à ce numéro, par le texte ou par l’image ? Quel rap- port le corps entretient-il avec la pensée et l’imagination ?
Grisélidis Réal, qui s’est prostituée et a milité pour la reconnaissance de ce métier, affirme que « la première liberté est celle du corps, dont l’esprit ne peut être séparé, car il l’habite ».

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Schweizer Grand Prix Literatur an Klaus Merz, Spezialpreis Übersetzung an Dorothea Trottenberg
Prix suisses de littérature 2024: Bessora, Jérémie Gindre, Judith Keller, Dominic Oppliger, Claudia Quadri, Ed Wige, Ivna Žic
Approfondissement du 15.02.2024 par Redaktion, Pressemitteilung BAK

L’Office fédéral de la culture (OFC) rend hommage à l’œuvre de l’écrivain argovien Klaus Merz en décernant à celui-ci la plus haute distinction littéraire du pays. Le Prix spécial de traduction va cette année à la Zurichoise Dorothea Trottenberg. Cinq autrices et deux auteurs reçoivent un Prix suisse de littérature pour un ouvrage paru au cours de l’année littéraire écoulée. La remise des prix aura lieu le vendredi 10 mai dans le cadre des Journées littéraires de Soleure, avec la participation de la cheffe du Département fédéral de l’intérieur, Elisabeth Baume-Schneider.

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Hommage à Annik Mahaim: Une plume féconde et engagée
L'auteure lausannoise est décédée le 17 janvier 2024
Approfondissement du 05.02.2024 par Ursula Gaillard

Annik Mahaim avait la joie du mot chevillée au corps. Elle est décédée d’un cancer le 17 janvier 2024, non sans laisser un dernier roman publié en août 2023. Franchir les ravins raconte l’histoire de trois femmes aux prises avec leur destin : Sophia, cardiologue est en proie au désamour, Nisha, d’origine mauricienne, responsable d’une collection prestigieuse dans une maison d’édition qui la licencie pour cause de restructuration, et Juliette, jeune graphiste, atteinte d’un cancer du sein. Le traitement sans complaisance des obstacles auxquels se heurtent ces trois protagonistes contraste avec le lyrisme réservé aux nuages, lumières et reflets toujours changeants du paysage lémanique. Le désir d’enchanter la vie par-delà les horreurs du monde et les vicissitudes de l’existence y est partout sensible. Un scintillement rédempteur sur le lac en cette année 2022 rappelle celui évoqué dans Radieuse matinée, magnifique récit autobiographique publié en 2016.

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Nouvelles parutions